LE CABARET DU NÉANT

Article publié dans la Lettre n°501 du 15 avril 2019



 
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LE CABARET DU NÉANT. La nouvelle filière « Métiers de l’exposition » des beaux-Arts de Paris a conçu cette exposition originale sur une idée de Jean de Loisy, directeur de cette école. Son titre fait référence au célèbre cabaret à thèmes installé à la fin du XIXe siècle boulevard de Clichy, à Montmartre. Celui-ci attirait une foule de jeunes gens qui venaient converser et danser, un verre à la main, en compagnie de squelettes et de spectres.
Le thème du néant, sujet de cette exposition, est décliné en trois parties.
Dans la première partie, « Le festin des inquiétudes », nous sommes accueillis par Rien (1995), un néon rouge de Jean-Michel Alberola sur lequel on lit « Rien » dans une calligraphie qui dessine un crâne. D’emblée nous sommes dans le thème. Vient ensuite, dans une salle noyée par une lumière rouge, un ensemble de sculptures morbides. Tout d’abord, étendu sur le sol, un Écorché, face ventrale, couche superficielle (1887) de Jules Talrich, dont on voit également un Buste de demi-écorché où il s’est lui-même représenté ! À côté se dresse l’Écorché. Bras gauche levé (vers 1760) d’Edme Bouchardon et, derrière, Hélène et Homer ; … (2019), deux personnages créés par Victor Yudaev qui nous invitent à regarder autour d’eux.
Cette section abonde en gravures et ouvrages anciens, depuis Les Chroniques de Nuremberg (1493) jusqu’à ces Memento Mori gravés par des anonymes du XIXe siècle, en passant par des gravures de Dürer (Le cheval et la mort, 1513), de Goya, de Hieronymus Wierix et par ces fameuses « Danses macabres ». Nous avons également des peintures comme celle de Jean Baptiste François Désoria (Torse ou demi-figure peinte, 1786), où un homme semble méditer, une main posée sur un crâne.
De l’époque contemporaine nous avons des œuvres de Tereza Zelenková (The Essentiel Solitude, 2017), Mathias Garcia (Le Labyrinthe (sans mystère) de l’amour, 2018), Bernhard Martin (Five Stars, 2014), Marc Lochner (Ratking, 2018) ou encore Alicia Paz dont le tableau représente un clown malicieux peignant une tête de mort avec un nez rouge (!) (Vanité, 1994), pour n’en citer que quelques-uns.
Si cette première partie rappelait avec humour et dérision le destin de l’être face à la mort, la deuxième partie, « Anatomie de la consolation », envisage la mort et le vide sous un angle à la fois plus rationnel et plus matériel. En effet, c’est au XIXe siècle que se développe officiellement la pratique de l’anatomie, moyen privilégié pour explorer le corps humain. De cette époque nous voyons une Anatomie de l’homme (1812) par Géricault. Mais les anatomies les plus spectaculaires sont celles de Gautier d’Agoty qui, au siècle précédent, en fit son sujet de prédilection comme le montre son célèbre Ange anatomique (1759), une appellation due aux surréalistes. Les artistes contemporains sont également présents dans cette section. À titre d’exemples, citons tout d’abord Christian Boltanski dont on voit quatre têtes de bébé, extraites de son installation Chance (2011) présentée à la 54e Biennale de Venise. À côté nous avons les plaques d’aluminium et la vidéo de Valentin Ranger composant À quoi rêve ceux qui n’auraient pas le droit d’aller au ciel (2017) et, plus loin, Digital Shadows (2020), des tressages à la ficelle sur chêne massif de Benoît Pype.
On retrouve ce dernier dans la troisième partie, « Fin de partie », en référence à la pièce éponyme de Samuel Beckett, où l’on se demande si le Néant est l’absence matérielle ou la transformation en vide et en rien ? Benoît Pype y présente la plus petite pièce de l’exposition, Socle pour une goutte d’eau (2010), une goutte qu’il a déposée délicatement sur ce support durant la présentation à la presse. Mise à part une lithographie de Marcel Duchamp et une photographie du début du XXe siècle, toutes les œuvres illustrant cette section sont contemporaines. La première que l’on rencontre est Black Sheeps (2014) de Hugues Reip. Il s’agit d’une installation composée avec la poussière récupérée dans des sacs d’aspirateurs, suspendue en petits tas à des câbles et tournant autour des visiteurs. Plus loin, Bettina Samson, avec ses photographies de la série Comment, par hasard, Henri Becquerel découvrit la radioactivité (2009), nous montre ce qu’elle a obtenu en refaisant l’expérience de Becquerel de 1896. Hicham Berrada présente une vidéo, Présage (2019), où l’on voit comment la matière se transforme sous l’effet de réactions chimiques, créant toutes sortes de motifs, tandis qu’Ismaïl Bahri, avec sa vidéo La Source (2016), montre le lent effet de la combustion sur une simple feuille de papier. Mais la pièce la plus spectaculaire est celle d’Alain Séchas, Professeur Suicide (1995), une installation mixte avec un professeur à tête de baudruche, devant cinq élèves. Celui-ci se pique avec une aiguille, de différentes manières, et éclate, au son de l’Opus 77 de Haydn. C’est à la fois drôle et profond car cela nous interroge sur la notion d’apprentissage et d’autorité. Une exposition à coupler avec la visite du Parc culturel de Rentilly. R.P. Château de Rentilly - 77600 Bussy-Saint-Martin (01.60.35.46.76). Jusqu’au 5 juillet 2020. Lien : www.fraciledefrance.com.


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