BOLTANSKI
Faire son temps

Article publié dans la Lettre n°497 du 19 février 2020



 
Pour voir le parcours en images et en vidéos de l'exposition, cliquez ici.

BOLTANSKI. Faire son temps. Christian Boltanski (né en 1944) rappelle que nous sommes tous condamnés à disparaître alors que le temps ne s’arrête jamais. C’est le sens qu’il a voulu donner à cette exposition conçue, comme il le fait depuis une dizaine d’années, comme une œuvre en soi. Aujourd’hui, réaliser des œuvres pour des appartements l’ennuie ! C’est pourquoi, comme au théâtre, auquel il s’intéresse aussi, il conçoit des pièces qui peuvent se rejouer plusieurs fois, en divers endroits. C’est par exemple le cas de Personnes, cette gigantesque installation réalisée avec des tonnes de vêtements usagers et une grue les attrapant et les relâchant au hasard, présentée dans la nef du Grand Palais en 2010, « rejouée » depuis à Milan, New York, Shanghai et au Japon. Boltanski nous invite donc à une vaste déambulation en forme de méditation sur la vie et son cours. Si cette exposition est très différente de la rétrospective de 1984 présentée au Centre Pompidou, il y a néanmoins des œuvres de la plupart des périodes de l’artiste. Le parcours commence par le mot « Départ » (2015) réalisé avec des ampoules rouges et des câbles électriques et se termine de même par le mot « Arrivée ».
Après un tableau de 1967, La Chambre ovale, l’un des rares qui restent de ses débuts, et un film expressionniste de 3 minutes, L’Homme qui tousse, de 1969, nous entrons de plain-pied dans l’univers de l’artiste avec les 150 photographies agrandies et encadrées de fer-blanc de l’Album de la famille D. entre 1939 et 1964 (1971). Il reconstitue, en l’anonymisant, la vie d’une famille, celle du galeriste et ami Michel Durand, banale comme tant d’autres et comme aurait pu être la sienne durant sa jeunesse. D’autres œuvres sont présentes dans cette première salle que l’on quitte en traversant Entre-temps (2003), un écran de cordes sur lequel, pendant 1min. et 37 sec., sont projetées des photographies de l’artiste à différents âges.
Le temps qui passe est un leitmotiv dans l’œuvre de Boltanski. On en voit des exemples tout au long du parcours. Mieux encore, après avoir vendu aux enchères le contenu de trois tiroirs de son secrétaire (Musée social : Dispersion à l’amiable, 1972), préservant ses traces du fait même de s’en départir, il a vendu en viager le reste de sa vie à un collectionneur australien (The Life of C.B.), en lui transmettant en direct et en continue les images prises par neuf caméras vidéo dans son atelier de Malakoff depuis 2010.
Parmi les œuvres étonnantes de Boltanski, on a ce Cœur (2005), une ampoule qui clignote au rythme de l'enregistrement d'un battement de cœur, le sien puis celui de milliers d’autres personnes, enregistrés et conservés depuis 2010 dans un bunker sur une île du Japon (Archives du Cœur).
Les inventaires et les archives reviennent sans cesse dans son travail. Nous avons ainsi quelque 2580 boîtes en fer, en piles d’inégales hauteurs pouvant s’écrouler à tout instant, à l’image de l’existence, sur lesquelles sont collées des photographies agrandies à partir des avis de décès du journal suisse Le Nouvelliste du Rhône (Réserve : Les Suisses morts, 1991). Boltanski utilise le même procédé pour commémorer la mémoire des enfants ayant travaillé dans les mines belges du Grand-Hornu entre 1912 et 1939 (Les Registres du Grand-Hornu, 1997). Un amoncellement de vêtements noirs surmonté d’une lampe évoque également cette mine (Le Terril Grand-Hornu, 2015).
Artiste de l’éphémère, Boltanski garde néanmoins des traces de ses installations immersives, dans des lieux difficiles d’accès, au moyen de vidéos. Nous en avons trois présentées dans cette exposition. La première est une vidéo sur trois écrans tournée pendant 12 heures en Patagonie (Misterios, 2017). On y voit la mer, une plage avec un squelette de baleine et, au milieu, trois cornes monumentales imitant le chant des baleines quand le vent s’engouffre à l’intérieur. Cette installation restera en place tant qu’une tempête ne l’aura pas détruite. Boltanski envisage que « plus tard, dans la région, longtemps après [son] départ, on dise qu’un fou est venu et a parlé aux baleines ». Il en est de même des installations nommées Animitas. Sur les quatre réalisées à ce jour nous avons ici les vidéos de deux d’entre elles, l’une filmée dans le désert d’Atacama à 4000 m. d’altitude (Animitas Chili, 2014), l’autre dans le nord du Québec (Animitas blanc, 2017). Huit cents clochettes japonaises disposées sur le sol selon la carte céleste du 6 septembre 1944, jour de naissance de Boltanski, tintent au gré du vent, jusqu’à leur disparition sous l’action des éléments.
Cette exposition, qui évoque les structures mises en place par l’homme pour faire face à la mort, exprime parfaitement l’éphémère de la vie et le temps qui passe. La symbolique de ces œuvres est fascinante. Une exposition dont on se souviendra longtemps. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 16 mars 2020. Lien : www.centrepompidou.fr.


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