BERTHE MORISOT
(1841-1895)

Article publié dans la Lettre n°483 du 10 juillet 2019



 
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BERTHE MORISOT (1841-1895).  Cette exposition est un événement car c’est la première exposition monographique consacrée à cette artiste par un musée national depuis la rétrospective de l’Orangerie en 1941. Après Paris, elle sera visible successivement à Québec, Philadelphie et Dallas. Les quelque 75 toiles ainsi que plusieurs carnets présentés ici représentent une part significative des 423 peintures actuellement répertoriées.
Berthe Morisot est née dans un milieu qualifié par son ami Auguste Renoir d’« austèrement bourgeois », mais ouvert aux arts. Très tôt elle affiche un goût pour l’indépendance et ambitionne de travailler en professionnelle alors que la peinture était considérée dans son milieu comme un passe-temps. C’est ainsi qu’elle expose au Salon, manifestation essentielle pour faire carrière, et participe à la première exposition dite des impressionnistes de 1874. Elle participera à toutes les expositions du groupe sauf celle de 1879 car elle était affaiblie par la naissance de sa fille Julie. Mariée à Eugène Manet, l’un des frères d’Édouard, elle travaillera jusqu’à sa mort prématurée en 1895.
Le parcours en huit sections est essentiellement thématique. Il commence par les sujets représentés (la mode, la toilette, le travail) et se poursuit sur la technique unique de Morisot (le plein air, l’intérieur, l’importance des espaces intermédiaires tels les fenêtres et les seuils, le fini).
« Je n’obtiendrai [mon indépendance] qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de m’émanciper », écrit Berthe Morisot en 1871. Elle accorde alors à la figure une place centrale dans son œuvre, prenant sa sœur Edma pour modèle et la faisant poser aussi bien en intérieur qu’en extérieur. De scène de genre, la sphère domestique devient pour les impressionnistes un sujet de prédilection car il s’agit de peindre le monde qui les entoure tel qu’il est. « Notre existence se passe dans les chambres ou dans la rue » écrit un critique. C’est cela qui définit « la nouvelle peinture ».
Comme les autres impressionnistes, Morisot peint en plein air, dans les lieux où les femmes de son milieu ont accès : colline du Trocadéro, stations balnéaires, jardins privés ou publics. Les variations de la lumière extérieure la contraignent à une exécution rapide, une « impression », mais elle termine certainement ses tableaux dans son atelier.
La troisième section « femmes à leur toilette » présente un sujet nouveau, développé par Morisot, qui en fit une vingtaine qui eurent beaucoup de succès. Pour ces tableaux elle met en scène des modèles professionnels dans son propre cadre de vie. A l’opposé, si l’on peut dire, elle peint aussi des femmes dans des toilettes très habillées même si elles n’ont pas été réalisées par de grands couturiers. C’est avec l’une d’entre elles, Jeune Femme en toilette de bal (1879), qu’elle entre de son vivant au musée.
La recherche d’un effet d’instantanéité conduit Morisot, encore plus que les autres impressionnistes, à adopter une touche de plus en plus rapide et esquissée. Souvent les bords et les angles de la toile sont à peine peints. Au lieu de considérer cela comme un projet artistique, les critiques de l’époque y voient le signe d’une timidité et d’une indécision toutes féminines ! Mais pour « l’ange de l’inachevé » comme la surnomme un critique, c’est une façon d’affirmer que c’est elle qui décide si un tableau est achevé ou non.
« Femmes au travail » nous introduit dans la sphère du personnel domestique, servantes, bonnes, nourrices, à l’image des artistes représentant des paysans, des artisans ou des ouvriers. Parmi tous ces tableaux, très intéressants, on trouve un magnifique Autoportrait (1885) où elle se montre seule et, précisément, au travail.
Après une section où les commissaires s’intéressent à la présence abondante de fenêtres et de seuils, comme autant de liens entre le monde intérieur et extérieur et de prétextes à des jeux de constructions subtiles comme ces tableaux dans le tableau, l’exposition s’achève sur la notion « d’un atelier à soi », un espace spécifique qui a longtemps manqué à Berthe Morisot. Celle-ci a donc utilisé l’ensemble de son domicile pour mettre en scène ses modèles, y compris sa fille, dans diverses occupations comme jouer de la musique. Une bien belle exposition, avec des tableaux pleins de charme et des explications détaillées et soignées sur une artiste qui disait avec justesse : « Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égal et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je les vaux ». R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 22 septembre 2019. Lien : www.musee-orsay.fr.


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