BASELITZ
LA RÉTROSPECTIVE

Article publié dans la Lettre n°540 du 2 février 2022



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

BASELITZ. La rétrospective. C’est la première rétrospective en France de cet artiste prolifique né en 1938 dans le village saxon de Großbaselitz (plus tard en RDA) renommé Deutschbaselitz en 1948. Enfant, il traverse avec sa mère la ville voisine de Dresde, entièrement détruite pendant la guerre. Ces ruines le marqueront à jamais. Adolescent, il est surtout en contact avec la campagne, les animaux, les forestiers, un métier qu’il a failli exercer (on verra qu’en faisant ses sculptures en bois avec une tronçonneuse et une hache, il n’est pas loin de ce métier). Tout cela se retrouvera dans son œuvre, parfois des dizaines d’années plus tard.
En 1956, il entre à l’École des arts plastiques et des arts appliqués de Berlin-Est. Il s’y lie d’amitié avec Ralf Winkler, plus connu sous le nom de A.R. Penck (Lettre 281 ), mais est renvoyé au bout de deux semestres pour « manque de maturité socio-politique ». Il passe alors à l’Ouest et étudie à l’École des beaux-arts de Berlin-Ouest. La construction du mur qui coupe la ville en deux en août 1961 le condamne à un exil forcé. Cette année-là il prend le pseudonyme de Baselitz, d’après le nom de son village natal.
Le jeune artiste n’est intéressé ni par la peinture figurative, ni par la peinture abstraite qu’il découvre à l’Ouest. Il veut exister avec un style personnel à mi-chemin entre ces deux manières de peindre. C’est en octobre 1963 qu’il se fait connaître au-delà de ses attentes, avec sa première exposition personnelle, dans la galerie Werner & Katz à Berlin. Deux tableaux, jugés pornographiques, Die große Nacht im Eimer  [La Grande Nuit foutue] et Der nackte Mann [L’Homme nu], font scandale. Le ministère public saisi les toiles et Baselitz est traduit en justice pour outrage aux bonnes mœurs. Ce procès le marquera longtemps et il ne se départira jamais de l’étiquette de provocateur.
Le parcours de la présente exposition suit un ordre chronologique. Il est composé de quinze sections dont trois sont consacrées aux arts graphiques. On y voit aussi divers documents sur l’artiste. Dès les premières sections, on découvre les fameux tableaux qui firent scandale et une première série de tableaux, une pratique à laquelle il ne cessera d’avoir recours par la suite. Celle-ci représente des pieds (P.D. Fuße), déformés et mutilés, peut-être inspirés par Le Bœuf écorché de Soutine. Les initiales P.D. renvoie au Pandemonium, la capitale imaginaire de l’Enfer. Ce nom avait donné son titre au manifeste publié en 1961 par Baselitz et son ami Eugen Schönebeck, un texte engagé et centré sur la situation post-apocalyptique de l'Allemagne en 1945.
En 1965, bénéficiant d’une bourse, il passe six mois à la Villa Romana à Florence. Il découvre la manière de peindre non académique des maniéristes, au 16e siècle. Il s’en inspire alors pour peindre sa série Ein neuer Typ [Un nouveau type], connue plus tard sous l'appellation des Helden [Héros]. On y remarque tout particulièrement B.j.M.C. – Bonjour Monsieur Courbet, le Partisan et Die großen Freunde  [Les Grands Amis]. Tous ces personnages errent dans des paysages dévastés.
Après 1966, Baselitz, qui s’est retiré à la campagne avec sa famille après le procès, se met à peindre de grands tableaux aux motifs ruraux, comme des forestiers, des chiens, des arbres. Mais les personnages sont fracturés, éparpillés, parfois à l’horizontal le long d’un tronc d’arbre ou encore la tête en bas. Baselitz veut ainsi casser les conventions de la figuration. Cette volonté s’affirmera à partir de 1969 avec des sujets représentés à l’envers. Ce sera la marque de fabrique de Baselitz et le début de sa notoriété. Ces tableaux ne sont pas peints à l’endroit puis retournés mais peints effectivement comme on les voit, ce qui est une véritable prouesse technique. En outre, les toiles étant de plus en plus grandes (jusqu’à 4 x 6 mètres), Baselitz les peint à même le sol. S’il ne se départit pas de peindre à l’envers, cela ne l’empêche pas de changer régulièrement de style. Baselitz ne cesse de se remettre en question comme le montre les dernières sections.
Par exemple, il se rapproche de l’abstraction en disposant ses personnages sur des fonds non figuratifs et surtout en utilisant des couleurs à dominante jaune, bleu ou rouge, comme dans la série « Hommage à Munch » représentant un peintre, en rouge sur fond noir avec des motifs jaunes.
On a vu que Baselitz empruntait leurs sujets à d’autres peintres qu’il admirait comme Munch, Otto Dix, Hokusai, Picasso, Willem de Koening, etc. Il fait de même avec ses propres tableaux qu’il qualifie de « Remix ». Une section de dessins et une de peintures sont consacrées à ces Remix. En 2006, le personnage de Die große Nacht im Eimer [La Grande Nuit foutue], prend ainsi la figure de Hitler. De même le Peintre moderne, en 1966 sur fond noir avec des lignes délimitant le personnage, est maintenant peint sur fond blanc, avec des couleurs gaies, et il éclabousse le spectateur avec des jets de peinture rouge qui envahissent toute la toile.
Baselitz s’est confronté à tous les médiums. Nous avions vu ses sculptures, en 2011, au Musée d’Art moderne de Paris (Lettre 335). Quelques-unes d’entre elles comme Les Femmes de Dresde (1990) ou celle qui le fit internationalement connaître, Modell für eine Skulptur [Modèle pour une sculpture] (1979-1980), sont présentes ici. On peut voir aussi des sculptures plus récentes, coulées dans le bronze à partir des sculptures en bois de l’artiste. Dans l’exposition nous avons Winterschlaf [Hibernation] (2014) et sur le quai Conti, devant l’Institut de France, Zero Dom (Zéro dôme] (2015), une sorte de fagot de bois de trois mètres de haut. Une exposition remarquable, avec une scénographie aérée et des explications très claires. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 7 mars 2022. Lien : www.centrepompidou.fr.


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