BASELITZ SCULPTEUR

Article publié dans la Lettre n°335 du 16 janvier 2012



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BASELITZ SCULPTEUR. C’est exceptionnel en France de faire deux rétrospectives pour un même artiste vivant. C’est pourtant le cas ici. En effet après celle consacrée aux peintures de Georg Baselitz par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1996-1997, voici aujourd’hui, dans les mêmes lieux, la présentation de cinquante sculptures, soit la quasi-totalité de sa production, accompagnées de sept peintures et de près de quatre-vingts dessins.
De son vrai nom Hans-Georg Bruno Kern, Baselitz est né en 1938 à Deutschbaselitz, un village situé dans ce qui deviendra l’Allemagne de l’Est et dont il adoptera le nom. Renvoyé en 1956 de l’Ecole des Beaux Arts de Berlin Est pour « manque de maturité sociopolitique », il passera à l’ouest, à l’âge de dix-neuf ans et y restera jusqu’à la chute du mur de Berlin. En 1963, sa première exposition personnelle à Berlin fait scandale et deux de ses peintures sont confisquées ! L’année suivante, il expérimente la gravure, y compris des gravures sur bois. En 1969 il réalise sa première peinture à l’envers, représentation qui deviendra sa « marque de fabrique » comme on peut le voir dans la présente rétrospective avec les sept toiles peintes en 2011.
C’est en 1980, alors qu’il est déjà un peintre et graveur mondialement reconnu, qu’il réalise sa première sculpture, pour le pavillon allemand de la Biennale de Venise. Ce choix audacieux lui est dicté par le lieu où il ne voyait pas comment placer une de ses peintures monumentales. Son œuvre, modestement intitulée Modell für eine Skulptur représente un buste menaçant émergeant d’une poutre, le bras droit levé. Salut hitlérien pour certains, geste inspiré de la statuaire dogon où l’on trouve beaucoup de statues avec un bras levé (voir Lettre 328) pour l’artiste, grand collectionneur d’œuvres africaines. C’est un nouveau scandale. Cette sculpture ouvre tout naturellement la présente exposition. Elle est en bois, comme toutes les sculptures de Baselitz, et sa taille est plus grande que nature, autre caractéristique de l’oeuvre de l’artiste.
Baselitz utilise une technique de sculpture brutale car il se situe, selon ses dires, dans « la tradition de ces Teutons sauvages, de Dürer à Kirchner, loin du raffinement des français et des italiens ». Ses sculptures étant gigantesques et en bois massif, il doit se procurer des troncs ayant un diamètre d’au moins un mètre soixante, qu’il taille directement avec une tronçonneuse à partir des dessins qu’il a préparés. Puis il affine les formes à la hache, sous tous les angles et enfin il passe de la peinture en certains endroits. Ayant abandonné le rouge de ses débuts, ses préférences vont au bleu et au jaune. Sa série des sept Femmes de Dresde, 1990, représentant des têtes sans nez, yeux ou traits, pour évoquer la guerre et ses atrocités sur les visages des victimes, sont entièrement peintes en jaune vif. D’autres sculptures, au contraire, ne sont que partiellement peintes, laissant le bois s’exprimer à l’état brut.
A partir de 1994 Baselitz commence à recouvrir ses sculptures de tissu de couleur, quadrillé de petits motifs réguliers. Nous pouvons voir ainsi Chose à carreaux, Torse plus bleu et Armalamor, toutes de 1994. Ces sortes de poupée sont déconcertantes et bien moins impressionnantes que les très grandes sculptures de ces dernières années qui terminent l’exposition. Pour celles-ci l’artiste peint les vêtements, les cheveux ou les couvre-chefs et ce qui tient lieu de chaussures, d’énormes blocs supportant l’œuvre d’où émergent les jambes. La plupart de ces sculptures sont des autoportraits comme Ma nouvelle casquette, 2003, Peuple Chose Zéro, 2009 ou Dunklung Nachtung Amung Ding (sorte de comptine intraduisible), 2009. Avec Madame Outremer, 2004, c’est sa femme Elke qu’il représente. Comme on le voit, il ne s’agit pas d’une sculpture traditionnelle mais d’une œuvre très personnelle et sans équivalent, qui ne laisse personne indifférent et qu’il ne faut pas manquer. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu'au 29 janvier 2012. Lien : www.mam.paris.fr.

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