ARTAVAZD PELECHIAN. La Nature, Les Saisons. La Fondation Cartier a célébré à plusieurs reprises ce cinéaste arménien, inconnu du grand public, en présentant plusieurs de ses neufs films, courts et moyens métrages, réalisés entre 1964 et 1993, dans le cadre de diverses expositions, tant en France qu’à l’étranger. Elle a acheté plusieurs de ceux-ci et lui a passé commande, en compagnie du ZKM Filminstitut (Allemagne), d’un dernier film en 2005 alors que l’on croyait qu’il s’était arrêté en 1993 avec La Vie.
Artavazd Pelechian a commencé par rédiger un synopsis détaillé avec 66 thèmes : « Notre maison ; Notre planète ; Beaux paysages de notre planète magnificiente et paisible ; …. ; Avalanches ; Glissements de terrains ; Ouragans ; … ». L’original de ce synopsis est exposé ici et l’on note qu’il porte déjà le titre de La Nature. C’est ce film de 62 minutes, terminé quinze ans plus tard, qui est présenté ici en première mondiale. L’artiste l’a réalisé à partir de vidéos glanées sur Internet, filmées la plupart du temps par des amateurs témoins de phénomènes naturels souvent exceptionnels. Les vues d’un tsunami, à cet égard, sont d’autant plus impressionnantes qu’elles sont réelles et dramatiques.
En parallèle à La Nature, nous pouvons voir, dans une autre salle, l’un des joyaux de la filmographie d’Artavazd Pelechian, Les Saisons. Ce film de 29 minutes date de 1975. Il met en scène une communauté de paysans arméniens dans leur vie quotidienne. On les voit faucher des champs en cadence ; dévaler les pentes, en été avec d’énormes tas de foin, en hiver, dans la neige, avec des moutons qu’ils serrent dans leur bras. À un autre moment c’est un immense défilé de moutons dans un tunnel qui bloque la circulation. Etc.
Ces images sont absolument étonnantes. Il est certain que l’auteur a filmé des faits réels. Il est certain aussi qu’il les a « mis en scène » pour les besoins de son film, comme le faisait Flaherty, avant-guerre. S’il fallait classer Artavazd Pelechian, on le qualifierait de documentariste mais ce serait réducteur. Une conversation entre Godard et Pelechian a été retranscrite dans Le Monde en 1992. Les deux cinéastes estiment qu’il ne faut pas faire de distinction entre film de fiction et film documentaire. C’est d’autant plus vrai avec Pelechian. Celui-ci se définit avant tout comme un monteur. Il « cherche un montage qui créerait autour de lui un champ magnétique émotionnel ». C’est ce qu’il appelle le « montage à contrepoint », une théorie qu’il a développée dans un livre, Moyo Kino [Mon Cinéma], en 1988.
Pour faire patienter les visiteurs en attendant de pouvoir pénétrer dans une des deux salles de projection, nous avons des panneaux sur la biographie et l’œuvre d’Artavazd Pelechian et des petites vidéos sur le tournage de ses films. Deux œuvres exceptionnelles tout à fait passionnantes. R.P. Fondation Cartier pour l’art contemporain 14e. Jusqu’au 7 mars 2021. Lien : www.fondation.cartier.com.