ARISTIDE MAILLOL. La quête de l’harmonie. Si Maillol (1861-1944) est un artiste qui nous est familier avec les sculptures exposées dans le jardin du Carrousel du Louvre et surtout le musée qui porte son nom, à quelque 600 mètres à peine du musée d’Orsay, cette rétrospective nous permet de le mieux connaître et de comprendre son processus créatif.
Le parcours est essentiellement chronologique mais les commissaires y ont ajouté deux sections thématiques. La première, « Maillol le catalan », est consacrée à son attachement à sa terre natale (il est né à Banyuls-sur-Mer). La seconde, « Modèles », évoque quelques-uns de ses modèles tant féminins que masculins, dont Maillol avait besoin comme point de départ, avant de procéder à une réinvention, une synthèse des formes.
Avant de pénétrer dans l’exposition, nous sommes accueillis par deux sculptures monumentales, L’Action enchaînée (1905-1906) et Nymphes de la prairie (1930-1938). La première, un monument commandé en l’honneur d’Auguste Blanqui, qui passa la majeure partie de sa vie en prison, fit scandale. Sa ville natale attendait un portrait de Blanqui et non pas une puissante femme nue, l’épouse même de Maillol.
Les premières sections nous présentent des peintures et surtout des objets décoratifs réalisés par Maillol à ses débuts. On remarque en particulier une Femme à l’ombrelle (vers 1895), sans doute son chef-d’œuvre en peinture, et Tante Lucie (vers 1892), en l’honneur de la femme qui l’a élevé, un portrait en pied inspiré par Arrangement en gris et noir : portrait de la mère de l'artiste, un tableau de Whistler acquis par l'État en 1891.
Maillol est très intéressé par les arts décoratifs comme le montre la multitude de broderies, tentures murales, garnitures de sièges, écrans de cheminée, objets en bois, poteries, etc. Manquant d’expérience en céramique, il met le feu à son atelier ! Aujourd’hui, on peut admirer l’une de ses fontaines d’appartement. Celle-ci a appartenu à Harry Kessler, son mécène, mais Renoir en acquiert une, lui aussi. En effet, Maillol est très ami avec les nabis et avec des artistes tels que Denis, Rodin, Bonnard, Vuillard et Renoir, avec lesquels il fait des échanges. Certaines de leurs œuvres sont exposées ici en témoignage de ces liens.
La taille du bois encourage Maillol dans la sculpture. À ses débuts son sujet de prédilection est la baigneuse. On la trouve dans La vague (vers 1894), une spectaculaire peinture qu’il décline ensuite dans de multiples variations et matériaux. Ce qui le caractérise, c’est la simplicité des formes et l’économie de moyens comme le montrent les dizaines de statuettes présentées ici.
Vers 1900, Maillol s’attaque à des statues grandeur nature. Malade des yeux il abandonne peu à peu la peinture pour ne se consacrer qu’à la sculpture. En 1904, Kessler lui commande une statue en pierre dont le modèle en plâtre ne porte que le nom de Femme au Salon d’Automne. En 1923, l’État lui en commandera un exemplaire en marbre. Ce sera la célèbre Méditerranée. Une section entière est consacrée à ce chef-d’œuvre qui n’a pas d’autre but que d’exalter la beauté féminine. À côté de ces deux versions, sont exposées des statuettes ayant servi d’études et une autre grande sculpture, La Nuit (1909).
En 1905, grâce à Octave Mirbeau et Rodin, Maillol reçoit sa première commande publique, le Monument à Auguste Blanqui, que nous avons vu à l’entrée. Il récidivera et réalisera systématiquement des nus féminins pour les monuments commémoratifs. Cette période faste est illustrée par six sculptures bien connues : Flore (1909), L’Été (1911), Vénus (1928), le Torse de l’Action enchaînée (1927), à la manière de Rodin, le Torse de l’Île-de-France (1920-1921) et la sensuelle Île-de-France (entre 1925 et 1933), statue en pierre qui se détache devant les cinq autres en bronze.
Vient une petite section évoquant les rapports de Maillol avec l’Allemagne où il se fait connaître grâce à Harry Kessler. Ses relations avec les allemands provoqueront des soupçons de connivence, tant durant la Première Guerre mondiale que durant la Seconde, où il reçoit chez lui des soldats allemands.
Autre section spectaculaire, le Monument à Cézanne (entre 1912 et 1925), une figure de femme allongée, le torse légèrement redressé, dont on voit de nombreuses maquettes et des sculptures qui reprendront cette position pour d’autres sujets, comme L’Air (1938-1939) ou le Monument aux morts de Port-Vendres. On comprend bien le processus créatif de Maillol qui commence par des dessins à partir de ses modèles et continue avec des figurines en terre avant de réaliser le plâtre de la sculpture définitive. Justement, comme l’indique la section suivante, « Clotilde, épouse modèle », son premier modèle est celle qui deviendra sa femme. Nous la retrouvons sur de nombreux dessins et une multitude de figurines. Ce n’est pas la seule. Une section évoque d’autres modèles pour des sculptures telles que La Musique, monument à Claude Debussy (1932), Jeunesse (vers 1910) ou encore Le Cycliste (1907-1908), un homme nu, d’après Gaston Colin, cycliste et jockey, l’amant d’Harry Kessler, qui commanda cette sculpture.
Le parcours se termine avec l’évocation du plus célèbre modèle de Maillol, « Dina, la dernière muse ». Elle a quinze ans quand elle commence à travailler pour Maillol. Elle lui inspire des sculptures célèbres comme La Montagne (1937), La Rivière (1938-1943) et Harmonie (1940-1944), son testament artistique. Il meurt, suite à un accident de voiture, sans la revoir. Dina Vierny consacrera le reste de sa vie à la gloire de Maillol. Une bien belle exposition, riche de plus de 200 œuvres, dont environ 90 sculptures. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 21 août 2022. Lien : www.musee-orsay.fr.