ANNI ET JOSEF ALBERS
L'art et la vie

Article publié dans la Lettre n°534 du 10 novembre 2021



 
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ANNI ET JOSEF ALBERS. C’est la première grande exposition consacrée en France à ces deux artistes majeurs dont l’œuvre est considéré aujourd’hui comme la base du modernisme. Josef Albers (1888-1976), fils aîné d’une famille catholique de la classe ouvrière, et Annelise Fleischmann (1899-1994), née dans une famille bourgeoise d’origine juive convertie au protestantisme, se rencontrent en 1922 au Bauhaus, à Weimar. Ils se marient en 1925.
Fondé en 1919 par l’architecte Walter Gropius, le Bauhaus proclame « qu’il n’y a pas de différence essentielle entre l’artiste et l’artisan ». Privilégier l’apprentissage par la pratique et accroître la sensibilisation visuelle et tactile aux matériaux et aux phénomènes environnants correspond bien à la recherche des deux jeunes artistes. Au Bauhaus, après un cours préliminaire commun, les élèves doivent s’inscrire à un atelier spécifique. Même si l’école ne fait pas de différence entre les sexes, dans la pratique les filles sont dirigées vers l’atelier de tissage où Anni finit par y trouver son inspiration et surtout une totale liberté d’expérimenter. Il en va de même pour Josef qui s’obstine à créer des assemblages hétéroclites avec des matériaux de récupération, dont du verre. Menacé de renvoi, il est finalement sollicité pour ouvrir un atelier de verre dont il devient le directeur technique tandis que la direction artistique est confiée à Paul Klee !
Après une présentation des artistes et de leurs travaux au Bauhaus, à Weimar puis à Dessau après sa dissolution suite à des pressions politiques, le parcours suit un ordre chronologique qui montre bien l’évolution des deux artistes, leur complémentarité et la diversité de leurs œuvres. C’est ainsi que nous avons des exemples des travaux de Josef en matière de design (tables gigognes, chambre à coucher, tasse à thé, etc.), de photographie (collages et photomontages très originaux), de gravure et bien sûr de tableau en verre.
En 1933, sous la pression du régime nazi, les membres du Bauhaus décident unanimement la dissolution de l’école. Anni et Josef Albers émigrent alors aux États-Unis où le couple est appelé à enseigner au Black Mountain College, une école expérimentale qui reprend en grande partie les principes pédagogiques du Bauhaus. Une section est consacrée à leur enseignement. On y voit des photos des deux artistes au milieu de leurs élèves, des commentaires sur leurs enseignements (« To open eyes », « learning by doing », apprentissage du dessin et du pliage, etc.) et surtout des travaux de leurs étudiants. C’est dans cette école qu’ils rencontrent d’autres artistes comme John Cage, Merce Cunningham, Robert Rauschenberg ou encore le mathématicien allemand Max Wilhelm Dehn, pionnier dans la théorie des nœuds, qui influencera Anni pour ses gouaches représentant des nœuds.
Le couple fait une douzaine de voyages en Amérique latine où il découvre l’art précolombien. Josef fait de nombreuses photos des sites antiques du Mexique et du Pérou. Anni s’approprie les petits métiers à tisser péruviens qu’elle introduit dans son atelier pour les étudiants. Le trésor de Monte Alban avec ses bijoux réalisés avec une association inhabituelle de matériaux, inspire Anni qui conçoit à son tour des bijoux étonnants comme ces colliers à base de trombones, de rondelles, d’épingles à cheveux, etc. De même, ils s’inspirent des motifs précolombiens dans leurs créations. Le couple commence également une collection d’antiquités précolombiennes dont on voit quelques pièces.
Plusieurs salles sont consacrées à de grands ensembles des deux artistes. Dans la première d’entre elles, on voit des exemples de Variants et de Structural Constellations de Josef. Les premiers, peints sur une structure sous-jacente en damier, sont des compositions géométriques qui évoquent les maisons en pisé vues au Mexique. Les secondes sont des trompe-l’œil, de simples formes géométriques qui produisent des illusions d’optique. Toujours pour Josef, l’accent est mis sur ses Hommages au carré, une série commencée en 1950. Josef a peint plus de 2000 Homage to the Square, des tableaux carrés où le peintre se limite à quatre formats élémentaires de carrés emboîtés, de différentes couleurs, le seul élément pictural de ses compositions. Cela lui permet de mettre en pratique sa théorie de l’interaction des couleurs qu’il développa dans son livre fondamental Interaction of Color (1963).
Nous avons de même une section consacrée aux Pictorial Weavings d’Anni. Il s’agit de pièces tissées de petit format, sortes de peintures visuelles, sans aucune fonction utilitaire, où l’artiste peut donner libre cours à toutes les techniques de tissage. Dans une autre section, on peut admirer deux de ses commandes religieuses. Il s’agit de grandes compositions de six panneaux chacune, L’Arche, pour un temple juif à Dallas, et Six Prières, pour le Jewish Museum de New York. Un espace est consacré à son livre fondateur, On Weaving (1965), sorte d’atlas explorant 4000 ans de tissage à travers le monde. Enfin, le parcours se termine par un vaste ensemble de dessins et de gravures d’Anni. En effet, accompagnant Josef dans l’atelier de lithographie qu’il dirige à Los Angeles à partir de 1962, elle se prend de passion pour la gravure, au point de délaisser totalement le tissage. Néanmoins on retrouve dans ses gravures, en deux dimensions cette fois, les motifs qu’elle réalisait auparavant en trois dimensions, avec le tissage.
Une exposition très complète, avec plus de 300 œuvres, qui nous éclaire bien sur des artistes dont on n’avait vu jusque-là, au hasard des expositions, que quelques œuvres. Musée d’Art moderne de Paris 16e. Jusqu’au 9 janvier 2022. Lien : www.mam.paris.fr.


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