L'ÂGE D'OR DE LA PEINTURE DANOISE (1801-1864)

Article publié dans la Lettre n°511 du 11 novembre 2020



 
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L’ÂGE D’OR DE LA PEINTURE DANOISE (1801-1864). Paradoxalement, les historiens d’art ont choisi deux désastres pour définir les limites de cet âge d’or de la peinture danoise. En 1801, l’Angleterre défait la flotte danoise, portant un coup d’arrêt au commerce maritime du Danemark et aux avantages qui en découlent. En 1807, elle recommence en détruisant Copenhague pour punir le Danemark de sa neutralité dans les guerres napoléoniennes. Enfin, en 1864, avec la seconde guerre des Duchés contre la Prusse, le Danemark est encore affaibli en perdant les duchés de Schleswig et de Holstein.
Et pourtant, durant cette période, l’art danois connaît un épanouissement sans précédent. Les artistes cherchent à forger l’image d’une nation puissante et unie, en mettant l’accent sur la bourgeoisie, qui a supplanté la noblesse, et sur les paysages de collines et de forêts de hêtres, l’arbre symbolique du Danemark. Si les précédentes expositions consacrées à cet âge d’or danois mettaient l’accent sur un petit nombre d’artistes, comme la précédente en France, au Grand Palais en 1984-1985, Servane Dargnies-de Vitry, la commissaire de la présente exposition, élargit sa sélection à des peintres qui se sont consacrés durant cette période à d’autres sujets. Nous avons ainsi un ensemble exceptionnel comprenant plus de 160 tableaux peints par près de quarante artistes et plus de 30 dessins. Pour cela elle a bénéficié de prêts d’une quinzaine d’institutions, dont le Statens Museum for Kunst (SMK) de Copenhague (une soixantaine de tableaux) et le Nationalmuseum de Stockholm, qui ont collaboré pour cette exposition.
Une première salle situe bien l’Âge d’or danois dans le contexte historique. Elle est illustrée par quatre tableaux représentant, à côté de La Nuit la plus effroyable. Kongens Nytorv pendant le bombardement anglais de Copenhague, dans la nuit du 4 au 5 septembre 1807 de Christian August Lorentzen, des vues de Copenhague reconstruite. Le parcours se déroule alors en huit sections thématiques.
La première est consacrée au chef de file de l’école de Copenhague, Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853). Lauréat de la grande médaille d’or en 1809, il peut donc aller en France dans l’atelier de Jacques-Louis David, où il apprend à travailler d’après le modèle vivant. Puis à Rome où il se concentre sur la peinture de plein air. Professeur, puis directeur de l’Académie des beaux-arts, il réforme cette institution et forme une multitude d’élèves à ses méthodes, y compris à sa propre théorie de la perspective. À côté de toiles représentant des vues de Paris et de Rome, nous avons aussi des scènes mythologiques et des nus dont une magnifique Femme se tressant les cheveux (1839), de Ludvig August Smith, sujet repris plus pudiquement par Auguste Renoir en 1876.
La deuxième section, « L’artiste au travail, de l’Académie à l’atelier », montre comment la création artistique, sous l’influence d’Eckersberg et de Lund, est passée progressivement de l’Académie, centre exclusif de la création artistique au début du XIXe siècle, aux ateliers d’artistes. Ce sujet est le thème de nombreux tableaux ainsi que celui de peintres qui se portraiturent entre eux.
Si au début de l’Âge d’or danois, la maison royale est la principale source de revenus des artistes, après la faillite de l’État en 1813, c’est la bourgeoisie naissante qui prend le relais. Ces riches collectionneurs préfèrent les tableaux de petites dimensions pour décorer leurs demeures, peu meublées et lumineuses. Parmi leurs sujets de prédilection, les portraits individuels ou de famille, en particulier les portraits d’enfants, ont leurs faveurs comme le montre la troisième section « Portraits officiels et intimes » où l’on voit quelques tableaux éblouissants.
On l’a vu, les peintres souhaitent faire le Grand Voyage et plus particulièrement le voyage en Italie. Ces « Artistes voyageurs »  s’intéressent aux antiquités romaines et à la Renaissance mais aussi aux scènes pittoresques (tavernes, brigands, paysannes, musiciens, etc.) et aux paysages peints en plein air. Certains vont même en Grèce, en Turquie, en Algérie ou en Égypte. Dans les années 1840, le scandinavisme se développe en réaction aux théories du philosophe allemand Johan Gottfried Herder sur les caractères nationaux. L’historien de l’art danois Niels Laurits Høyen, exhorte alors les artistes à peindre des sujets scandinaves, comme les montagnes norvégiennes ou le peuple suédois. Les sections suivantes « L’observation de la nature : arts et sciences », « Un nouveau regard sur la nature », « Vie quotidienne et vues urbaines » témoignent de cette conversion. Les tableaux de compositions florales minutieuses, d’animaux, de nuages, d’arbres, montrent les liens entre les artistes et les scientifiques, au sein d’un milieu culturel relativement étroit. Les sujets empruntés à la rue ou à la nature sont l’objet de cadrages novateurs, comme les vues surplombantes ou les panoramas observés à travers une porte ou une fenêtre. La nature prend de plus en plus d’importance, surtout en réaction à l’industrialisation croissante du pays. Certains sujets sont désignés avec précision comme le feront plus tard les impressionnistes. Par exemple cette Vue de la campagne autour de Kongens Møller. Lumière d’après-midi (1844) de Peter Christian Skovgaard. Enfin, les scènes de rue, les vues du port et des marchés, donnent une image valorisante du Danemark.
C’est cela que regrettèrent les peintres, après les guerres du Schleswig et l’apparition en Europe de la peinture moderne dans les années 1870. Il nous reste de cet Âge d’or danois, cette image sereine d’un temps révolu, brillamment présentée dans cette exposition unique, bénéficiant, comme d’habitude en ce lieu, d’une magnifique scénographie. R.P. Petit Palais 8e. Jusqu’au 3 janvier 2021. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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