VOYAGE EN ASCENSEUR de Sophie Forte. Mise en scène Anne Bourgeois avec Jean-Erns Marie-Louise, Corinne Touzet.
Aller chercher son PDG de mari à son bureau, avec en tête l’idée d’un dîner romantique surprise, expose à découvrir des choses désagréables, surtout si l’on emprunte l’ascenseur avec un préposé au nettoyage des bureaux, grand observateur des entrées et sorties. Lorsque l’appareil se déclare hors service au 2e sous-sol, Juliette considère subitement la personne à ses côtés. C’est le week-end de l’Ascension, il est 19h00, tout le monde est parti. Un retardataire ? Aucune chance ! Juliette s’affole alors à la seule pensée de se retrouver en vase clos durant plusieurs jours et de plus, en compagnie d’un homme… tout noir. Son asthme redouble d’intensité. Moctawamba, lui, en a vu bien d’autres. Face à un tête à tête qui semble devoir durer, il garde la tête froide et tente de raisonner cette femme blanche qui l’énerve au plus haut point. Doctes dictons, pas seulement africains, berceuses qu’il est préférable d’entendre dans leur version originale, méditation et yoga, patience et impatience, il va tout essayer. La cohabitation est épineuse, les brefs moments de sommeil sont agités, mêlés de cauchemars.
Ils vont pourtant apprendre à se connaître, et à respecter leurs différences malgré l’immense fossé qui les sépare : Juliette, très BCBG, toute de marques vêtue, mère de deux enfants et femme au foyer dans une cage dorée vit aux antipodes de Moctawamba, en vêtements de travail, muni de tout son matériel de ménage, émigré d’un pays aride, pauvre et en guerre où tout le village s’est cotisé pour payer son passage vers un ailleurs qu’il espérait meilleur.
Tout ce que l’on aime au théâtre se trouve là : une comédie bien écrite dotée de répliques pertinentes, pleines d’humour et d’une belle intensité émotionnelle. L’espace restreint de la cabine contraint les deux comédiens à une gymnastique continue et très physique. Seul répit, les vidéos qui restituent les rêves et les cauchemars. Corine Touzet et Jean-Erns Marie-Louise sont irrésistibles. Elle, en femme fragile face à une épreuve qu’elle ne maîtrise pas. Lui, arborant un calme et une philosophie pas même entamés par les tourments de la vie. Les rappels sont à la mesure de leur performance, un véritable triomphe.
« Vous êtes ravissante » la rassure Moctawamba lorsque Juliette rajuste sa mise au moment où l’on vient enfin les secourir. Ce compliment ne s’adresse pas seulement au personnage ! M-P.P. Théâtre Rive Gauche 14e.