V.I.T.R.I.O.L

Article publié dans la Lettre n°498 du 4 mars 2020


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V.I.T.R.I.O.L de Elsa Granat et Roxane Kasperski. Mise en scène Elsa Granat. Avec Pierre Giafferi, Roxane Kasperski, Olivier Werner, et Fanny Balestro (violoncelle), Quentin Coppalle (flûte, guitare), François Vallet (percussions).
LUI1 et ELLE se sont beaucoup aimés. Brillant, drôle, décalé, il la fascinait jusqu’à la détruire. Ils se sont éloignés, lui dans le délire maniaco-dépressif, elle vers une autre vie avec LUI2. Le nouveau compagnon est plein de bon sens, de sourires, et ELLE sourit, vibre, hume sa tendresse. Mais peut-on faire table rase d’une dévastation ? La vie ne demeure-t-elle pas un déséquilibre rééquilibré, mais si fragile ? Quant LUI1, en proie à la crise en expansion, avec son « ton des mauvais jours », surgit dans ce confort amoureux, ELLE est à nouveau sa marionnette, impuissante à résister à ses réflexes ataviques de rires spasmodiques, de terreur ravivée, de passion jamais éteinte. De désir surtout de calmer le fauve, qui a convié à ces retrouvailles de folie ses trois acolytes musiciens.  LUI1 se prend pour un guerrier invisible, lui reproche sa réticence hostile, clame son horreur de la claustration psychiatrique, implore les quelques instants de répit qu’elle devrait lui accorder, écartelée entre son désir pétri de honte de le voir s’éloigner d’elle et la résurgence d’une influence malsaine. « On n’a pas le choix ». LUI2 tente en vain de la ramener à plus de sérénité et de santé, « les sourires perdus, la légèreté oubliée ». Mais que d’efforts et de douleur pour retrouver « une peau » normale ! L’ambiance est à la violence extrême, celle des mots, celles des souvenirs, celles des cascades de marionnettes. ELLE est épuisée, rêve de « la maison de retraite des trentenaires », se prend à nouveau dans les filets du délire verbal d’antan, les propos de LUI1 se font de plus en plus rapides et incohérents, dans les grossièretés et les insultes, les mimes désarticulés. « Je suis ton impossible présent, ta défaite affichée dans le jour le plus neuf. » LUI2 s’essaie au sarcasme, assiste impuissant à ce duo d’enfer amoureux, tente l’apaisement verbal. Montée de la crise, acmé, puis redescente vers la résignation et le départ vers l’hôpital si terrifiant, si inopérant.
Sur une scène à différents niveaux, où l’on glisse, chute, s’évanouit, s’entre-torture, les trois comédiens donnent à voir, avec un réalisme saisissant, l’incohérence verbale et gestuelle, la folie en actes, à la fois drôle, sardonique et tragique, tandis que les musiciens - interprètes excellents - impriment un rythme omniprésent, entre démence des percussions variées, mélopée jazzy de la flûte ou de la guitare et langueur du violoncelle.
On ne sort pas indemne de ce théâtre de la démesure si ordinaire. A.D. Théâtre de la Tempête Cartoucherie de Vincennes 12e.


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