VISITES A MISTER GREEN de Jeff Baron. Adaptation et mise en scène Thomas Joussier avec Thomas Joussier et Patrick Préjean.
Un désordre indescriptible règne dans le petit appartement aussi accueillant que son propriétaire. Négligé et d’une humeur ombrageuse, Mister Green hésite à ouvrir une porte à laquelle plus personne ne frappe depuis le décès de sa femme adorée quatre mois plus tôt. Ross parvient tout de même à entrer. Il se présente: après un léger accrochage en voiture avec ce piéton indiscipliné, le juge a requis une peine de six mois de travaux d’intérêt général à son encontre. Il doit rendre visite à sa « victime » chaque semaine afin de lui prêter assistance. L’accueil est glacial. Enfermé dans sa coquille, Green éconduit Ross mais le juge persiste. Alors le « condamné » n’a pas le choix. Il revient à reculons.
Une première information adoucit le vieil homme: Ross est juif comme lui. Bon ! Un juif qui ne connaît rien aux coutumes, donc à l’usage des placards et de la vaisselle mais qui lui apporte une soupe délicieuse et surtout kascher ! Universitaire, cadre plein d’avenir et de bonne famille, Ross impose sa présence avec tact. D’une visite à l’autre, le dialogue s’instaure entre les deux hommes, l’un toujours bourru, l’autre diplomate. La relation devient presque affectueuse jusqu’à l’aveu de Ross sur ses préférences sexuelles. Certain de ses opinions, Green campe sur ses positions. Chez les juifs on n’est pas gay. Chez les juifs on n’épouse pas un goy…
Thomas Joussier renoue avec cette œuvre de Jeff Baron qu’il a créée en 2002 (Lettre n°194), accompagné par Patrick Préjean que l’on a plaisir à revoir sur scène. La pièce est une réflexion très aboutie sur les relations parents-enfants, la judéité et l’homosexualité, accompagnée d’une étude très fine des sentiments, en constante évolution, sur le poids de la différence et la difficulté de se remettre en question. Les deux comédiens n’incarnent pas leur personnage, ils le vivent, livrant avec virtuosité la souffrance et l’espoir pour l’un, l’abandon des idées reçues et du ressentiment pour l’autre. Les changements des costumes et des éléments du décor rythment subtilement le passage du temps. L’émotion est au rendez-vous. M-P P. Théâtre de Passy 16e.