VIPÈRE AU POING d’Hervé Bazin. Adaptation Aurélien Houver, Victoria Ribeiro. Mise en scène Victoria  Ribeiro avec Aurélien Houver.
                  Au  pied d’un arbre se lovent « trois spires de vipère ». Jean, dit  Brasse-Bouillon, s’en saisit, juste au niveau du cou qu’il serre de son poing.  Rien ne le fait lâcher prise jusqu’à son retour à la demeure familiale de la  Belle-Angerie, la vipère étouffée, inerte, le long du bras. 
                  La  très belle et minutieuse description du reptile et de l’acte téméraire du  garçon de sept ans initie le récit d’une enfance que son auteur dit avoir vécue,  avant de laisser planer le doute sur son entière authenticité. Mais cette lutte  sans merci, face à une mère indigne, a pourtant des accents d’une vérité si  difficile à admettre qu’elle priva Hervé Bazin du Prix Goncourt. Qu’importe, un  auteur était né. 
                  Sur  scène, un arbre aux branches accueillantes et une chaise. Le narrateur se fait  passeur de mots. Loin des parents expatriés en Chine, soumis à une éducation laissée  aux bons soins d’une grand-mère et de précepteurs successifs en soutane, les  deux premiers nés, abandonnés là, vécurent un bonheur provisoire  « entrecoupé de privations de dessert, de fessées et de récits  mystiques ». 
                  Mais  la grand-mère mourut et la mère parut, flanquée du dernier né et d’un mari  transparent, d’une incomparable lâcheté. Leur arrivée illustre à elle seule ce  que furent désormais les années qui suivirent, celles du temps du froid et de  la faim ressentis physiquement et moralement.
  « Nous  vivions affublés d’hypocrisie et de loques ». L’éloquent zeugma illustre le  tour de vis que leur imposa la mère détestée, « la folle, la  cochonne », adjectifs dont découla le surnom qu’ils lui donnèrent. Initiant  leur révolte, les lettres V et F, furent gravées dans toutes les écorces : Vengeance à Folcoche. 
                  L’imagination  est fertile quand il s’agit d’éliminer l’ennemie. Les provocations, l’espoir  déçu d’une opération qui aurait pu mener la marâtre au trépas, les tentatives  d’assassinat, la fugue qui conduit Jean à Paris, rien n’y fait. Seul son départ  pour l’internat jésuite met enfin un terme au combat. 
                  L’adaptation  de l’épais roman se focalise uniquement sur cette passe d’armes   entre Brasse-Bouillon et Folcoche. Le récit s’écoule dans un français pur et  vibrant, tellement exemplaire qu’il compte parmi les œuvres étudiées au collège. 
                  Merveilleux  conteur, Aurélien Houver hypnotise un public suspendu à ses lèvres. Un seul en  scène à ne pas manquer. M-P.P. Théâtre Le  Ranelagh 16e.