VIPÈRE AU POING

Article publié dans la Lettre n° 464
du 17 octobre 2018


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VIPÈRE AU POING d’Hervé Bazin. Adaptation Aurélien Houver, Victoria Ribeiro. Mise en scène Victoria Ribeiro avec Aurélien Houver.
Au pied d’un arbre se lovent « trois spires de vipère ». Jean, dit Brasse-Bouillon, s’en saisit, juste au niveau du cou qu’il serre de son poing. Rien ne le fait lâcher prise jusqu’à son retour à la demeure familiale de la Belle-Angerie, la vipère étouffée, inerte, le long du bras.
La très belle et minutieuse description du reptile et de l’acte téméraire du garçon de sept ans initie le récit d’une enfance que son auteur dit avoir vécue, avant de laisser planer le doute sur son entière authenticité. Mais cette lutte sans merci, face à une mère indigne, a pourtant des accents d’une vérité si difficile à admettre qu’elle priva Hervé Bazin du Prix Goncourt. Qu’importe, un auteur était né.
Sur scène, un arbre aux branches accueillantes et une chaise. Le narrateur se fait passeur de mots. Loin des parents expatriés en Chine, soumis à une éducation laissée aux bons soins d’une grand-mère et de précepteurs successifs en soutane, les deux premiers nés, abandonnés là, vécurent un bonheur provisoire « entrecoupé de privations de dessert, de fessées et de récits mystiques ».
Mais la grand-mère mourut et la mère parut, flanquée du dernier né et d’un mari transparent, d’une incomparable lâcheté. Leur arrivée illustre à elle seule ce que furent désormais les années qui suivirent, celles du temps du froid et de la faim ressentis physiquement et moralement.
« Nous vivions affublés d’hypocrisie et de loques ». L’éloquent zeugma illustre le tour de vis que leur imposa la mère détestée, « la folle, la cochonne », adjectifs dont découla le surnom qu’ils lui donnèrent. Initiant leur révolte, les lettres V et F, furent gravées dans toutes les écorces : Vengeance à Folcoche.
L’imagination est fertile quand il s’agit d’éliminer l’ennemie. Les provocations, l’espoir déçu d’une opération qui aurait pu mener la marâtre au trépas, les tentatives d’assassinat, la fugue qui conduit Jean à Paris, rien n’y fait. Seul son départ pour l’internat jésuite met enfin un terme au combat.
L’adaptation de l’épais roman se focalise uniquement sur cette passe d’armes entre Brasse-Bouillon et Folcoche. Le récit s’écoule dans un français pur et vibrant, tellement exemplaire qu’il compte parmi les œuvres étudiées au collège.
Merveilleux conteur, Aurélien Houver hypnotise un public suspendu à ses lèvres. Un seul en scène à ne pas manquer. M-P.P. Théâtre Le Ranelagh 16e.


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