L’USAGE DU MONDE de Nicolas Bouvier. Adaptation Anne Rotenberg et Gérald Stehr. Mise en scène Catherine Schaub. Scénographie Delphine Brouard. Avec Samuel Labarthe.
Avec pour tout viatique un véhicule fiat Topolino, deux ans de liberté et quatre mois d’argent en poche, Nicolas Bouvier rejoint Thierry Morin à Zagreb en 1953 pour un voyage vers des terres inconnues et pleines de promesse. L’inconscience de leurs vingt ans a établi un itinéraire qui doit les mener, au moins, jusqu’aux confins de l’Afghanistan.
Que d’aventures pour parvenir jusque-là ! Tout n’ira pas toujours bien, mais les rencontres sont mémorables: Dans les Balkans, une communauté de tziganes partage avec eux l’amour de la musique, un fabricant de cercueils expose son ouvrage sur le marché et la musique continue de rythmer leur marche. À Istanbul, la vie est chère. Ils y restent une semaine et c’est le grand saut. Avec l’Anatolie, c’est l’Asie qui commence. Elle leur offre ses paysages à couper le souffle, ses habitants à l’hospitalité légendaire, puis Erzurum et son ciel étoilé. Le temps passe alors « en thés brûlants et en cigarettes » et le mot bonheur est bien maigre pour décrire ce qui leur arrive.
Voici l’Iran avec son garde-frontière suspicieux et l’écriture persane qui reste une énigme. Tabriz en Azerbaïdjan où l’hiver s’installe. Le loyer est payé pour six mois mais ils perdent du poids. Avril - mai c’est l’Iran, encore. À Téhéran, la ville des lettrés, la poésie flotte d’un trottoir à l’autre, la langue française court dans les rues et les voleurs ménagent leur voiture grâce à un écriteau en persan collé à la portière. Puis, c’est la traversée du désert de Yaz, royaume des mouches, où le corps s’assèche ; l’arrivée à Kerman où plane l’odeur écœurante de l’opium ; la traversée du désert de Mout et, toujours, le sifflement des mouches. Le Pakistan mène à la route de Kaboul mais une blessure à la main, la fièvre et la jaunisse sonnent le glas du voyage à deux. Bouvier continuera seul…
Sur scène, l’odyssée des deux voyageurs est une invitation au voyage. Projetés au fond du plateau, l’itinéraire et les cartes soulignent l’ampleur du parcours, les photos et les dessins de Nicolas Bouvier évoquent l’immensité des déserts, la majesté des paysages et le bonheur des rencontres. Émerveillé par ce voyage insensé, l’auditoire admire tout autant la performance de Samuel Labarthe. Superbe ! M-P P. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.