UNE NUIT À TRAVERS LA NEIGE, d'après L'Homme  qui rit de Victor Hugo. Création et interprétation Ariane Pawin. Mise en  scène de Marien Tillet. 
                  1690. Un enfant, abandonné sur la grève,  regarde s'éloigner le falot sur le bateau de ses proches. Stupeur, obscurité et  froid au-delà de toute imagination. Seule issue, cette monstrueuse falaise  abrupte, qu'il lui faut escalader. Il grimpe, il dérape, il grimpe encore avec  l'énergie de l'instinct vital. Dans l'immensité du ciel, le sommet recule à  chaque progrès. Sur la lande enfin atteinte, se succèdent plateaux et barrières  qu'il doit vaincre sans horizon perceptible. Tomber, se relever, ne pas céder à  la morsure du froid mortel, ne pas écouter son corps qui hurle en silence, le  désespoir qui point. En route, il rencontrera l'effroi d'un gibet et des  corbeaux qui le hantent, le vagissement du nourrisson que sa mère a protégé de  son corps désormais glacé, la scandaleuse civilisation des hommes qui lui refusent  l'accueil. Enfin, la chaleur que le marginal et son loup lui réserveront pour  redonner vie à cet univers de refus de l'autre. Victor Hugo excelle à  entremêler, par l'ampleur diversifiée de ses mots, obscurité et lumière,  mouvement et immobilité, sensations et sentiments, dans une atmosphère  fantasmagorique. Ariane Pawin y ajoute un sublime talent de conteuse et de  mime. Où s'arrête la réalité, où commence le cauchemar ? Elle grimpe, elle  murmure, dans l'aridité de la paroi, le tournoiement de la neige, l'indicible  souffrance du corps. Et le paysage onirique qu'elle donne à voir est mis en  parallèle avec les commentaires qu'elle vient faire sur le devant de la scène.  Tourbillon de la neige, des corbeaux, des fantasmes et des peurs, la langue de  Victor Hugo vibre par la voix et le corps de la conteuse que les lumières  changeantes effleurent, contournent, enserrent dans un cocon où elle invite le  spectateur fasciné. 
                  Au sortir de ces moments de peur et de  menace qu'on a partagés sans réticence, les sourires dans le public qui  s'ébroue en disent long sur le plaisir indéniable. A.D. Théâtre des  Déchargeurs 1er.