UNE ACTRICE de Philippe Minyana. Mise en scène Pierre Notte avec Judith Magre, Pierre Notte, Marie Notte.
Pierre est au piano, Marie chante et Judith les regarde en souriant.
Judith Magre est venue là pour une « interview », pour relater des faits marquants sur sa vie et son métier d’actrice avec une réticence comparable à celle qu’elle exprime à l’idée qu’un livre soit écrit sur elle. Elle raconte tout d’abord une brève histoire, celle « terrible » d’un certain André, un court monologue de Philippe Minyana. Puis, Pierre à ses côtés, elle s’assied sur un banc. À bâtons rompus, ils sautent sans y toucher d’un sujet à l’autre. Mais Judith Magre vit dans le présent ou l’avenir. Elle n’aime pas se retourner sur le passé. Elle sent fort bien où Pierre veut la mener et lui sait fort bien où elle ne veut pas aller. Le temps ne semble pas avoir de prise sur elle. Lumineuse, avec une étonnante énergie, elle confie quelques anecdotes, laissant parfois l’une d’elles en suspens. Quelques mots sur des parents aimés, sur une enfance en province où « tout était trop parfait », sur ses quinze ans et sa fuite à Paris, sur ses premiers pas sur scène. Elle remémore alors le chemin de ses soixante-dix ans de carrière, la nostalgie des années cinquante, les rencontres avec des auteurs et des metteurs en scène illustres, les soirées, les fêtes et les tournées mais aussi le chagrin récurrent de perdre tous ceux qui ont côtoyé sa vie et l’ont laissée à sa solitude, dans un monde où elle estime qu’il ne fait plus bon vivre. L’enthousiasme de Pierre l’entraîne dans des souvenirs qu’elle retient parfois par pudeur ou par modestie, ne livrant, maligne, que ce qu’elle souhaite.
De sa voix juste et grave, Marie parsème leur tête à tête d’un joli choix de chansons. Pierre laisse alors Judith un instant pour l’accompagner au piano. Ce moment partagé semble les combler. Le public aussi qui retient son souffle, captivé par le magnétisme de cette actrice d’exception. Il existe des instants qu’il est doux de savourer pour les rendre inoubliables. Celui-ci en est un, il le sait. M-P.P. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.