TROIS FOIS ULYSSE. De Claudine Galea. Mise en scène Laëtitia Guédon. Scénographie Charles Chauvet. Avec Éric Génovèse, Clotilde de Bayser, Séphora Pondi, Marie Oppert, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty et le chœur Unikanti.
Heureux Ulysse, ce roi d’Ithaque immortalisé par Homère ? Pas sûr si l’on considère l’homme plutôt que le héros rusé et les femmes qu’il a croisées à trois âges de sa vie. Hécube (Clotilde de Bayser), reine de Troie, remise en trophée au vainqueur qu’il fut et la violence qu’il lui a fait subir. Calypso (Séphora Pondi), la femme qui a soigné son spleen avant qu’il ne décide de regagner sa terre. Pénélope (Marie Oppert), elle, l’a attendu, déjouant les avances des prétendants et elle l’accueille sans un mot. Ulysse a vieilli, il est au bout de sa vie. Qu’a-t il appris de cette errance de vingt ans, hormis l’expérience d’une solitude extrême ?
Ces femmes effacées dans le récit d’Homère lui règlent son compte. Claudine Galea et Laëtitia Guédon leur donnent la parole pour tracer trois épisodes de la vie d’un héros maintenant démuni, un rôle respectivement tenu par Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty et Éric Génovèse. Hécube lui apparaît dans toute sa beauté, sa puissance et son expérience et le renvoie à l’horreur des faits vécus. La nymphe Calypso le retient. Elle fait valoir le couple qu’il forme après sept ans d’amour et de volupté. Rester dans ce confort sans se sentir chez soi ou le quitter ? Il choisit de rejoindre une épouse figée dans sa jeunesse et dans l’attente.
Le texte de Claudine Galea est le livret d’un opéra mis en scène entre théâtre, musique, chants voix et vidéos, dans le décor unique et superbe de la tête désincarnée d’un cheval, évidemment, qui figure Troie détruite, la grotte-sanctuaire et le palais. Une œuvre «indisciplinée» plutôt que disciplinaire dans une mise en scène millimétrée scandée par le chœur. Les comédiens sont acteurs, chanteurs et musiciens avec le talent qu’on leur connaît. On applaudit à tout rompre le formidable travail de toute une équipe et l’on garde longtemps en mémoire la vision émouvante de Marie Oppert, et le timbre de sa voix d’or. M-P P. Comédie-Française-Théâtre du Vieux-Colombier 6e.