TROIS FEMMES ET LA PLUIE. Textes de Rémi De Vos, Carole Fréchette, Daniel Keene. Mise en scène Laurent Fréchuret. Avec Lolita Monga, Sébastien Lejeune, Aka Loya (guitare).
Trois auteurs, trois âges d'une femme, adolescente, quadragénaire, femme déjà mûre, dans son rapport au corps, à la rémanence de ses souvenirs, à l'expérience douce-amère qu'elle en a inférée.
Elle est cette gamine délurée, rebelle et provocante, en proie à l'ennui d'une vie rurale étriquée, entre un père brutal et alcoolique et une mère dépressive. Avec une totale inconséquence, elle n'écoute que son caprice au prix du drame qu'elle provoque.
Elle est cette femme dont le corps est le seul bien en partage et que la nécessité de survivre rend inventive jusqu'à le vendre à l'encan en petites coupures. Une découpe virtuelle qui serait terrifiante si les acheteurs potentiels ne prouvaient pas ainsi l'absurdité et le snobisme immoral de leur avidité.
Elle est enfin celle auprès de laquelle, sur le chemin d'une gare fantomatique, des voyageurs en partance pour une destination non moins fantomatique ont laissé en dépôt leurs biens les plus précieux. Valises de vies, objets de mémoire, qu'elle s'est moralement engagée à ranger jusqu'à leur retour improbable. Elle y a consacré toute sa vie, chaque interstice de sa maison, jusqu'à la poussière de leur délitement. Elle évoque la variété étrange de ces objets-témoignages dont les visages de leurs détenteurs se sont effacés. Seul le petit flacon d'eau de pluie ramène à une souvenance précise l'enfant qui le lui a confié.
Ce triptyque hétérogène trouve une étrange unité pleine d'émotion souriante par la grâce de Lolita Monga. Son corps, étonnamment tangible, vit aux rythmes en scansion de la guitare, à la fois présente et discrète.
On ne sort pas indemne de ces regards chargés de tendresse et de lucidité sur le corps féminin. A D. Théâtre des Déchargeurs 1er.