TRAHISONS de Harold Pinter. Mise en scène Christophe Gand. Scénographie Goury. Décor Claire Vaysse. Costumes Jean-Daniel Vuillermoz. Lumières Alexandre Icovic avec Gaëlle Billaut-Danno, François Feroleto, Yannick Laurent, Vincent Arfa.
Deux ans après leur rupture, Emma a donné rendez-vous à Jerry dans le bar qu’ils fréquentaient autrefois. Ils ne se sont pas revus depuis ce jour où dans le petit studio discret loué pour assouvir leur passion, ils ont mis fin à leur relation. La conversation s’amorce avec les banalités d’usage avant qu’Emma ne donne la raison de son appel. Elle et Robert, son mari et meilleur ami de Jerry, ont décidé de se séparer. Fragilisée par cette décision, Emma s’est naturellement tournée vers son ancien amant qui, lui, a visiblement tourné la page. Sa gêne d’être là est palpable. Seule la crainte que Robert soit au courant de leur ancienne liaison le taraude. Leur métier commun d’éditeur et la pratique du squash ont lié ces deux hommes dont l’amitié n’aurait dû, en aucun cas, être entachée.
Harold Pinter explore à rebours, en neuf tableaux soigneusement construits, non la banalité de la liaison elle-même mais les sentiments qui animent ce trio amoureux jusqu’aux prémices de la faute originelle, l’étude des liens tissés entre eux durant toutes ces années avec leur lot de mensonges et d’aveux. D’une scène à l’autre, au cours des conversations convenues, se glissent les sous-entendus, les non-dit, les regards éloquents et les silences.
De 1977 à 1968, les personnages se dévoilent. Les années font machine arrière jusqu’au jour où, lors d’un voyage à Venise, Robert reconnaît l’écriture sur l’enveloppe d’une lettre destinée à sa femme qui sème le doute dans son esprit, puis cet autre, lors d’une soirée chez Robert et Emma, quand le coup de foudre de Jerry et le baiser volé déclenchent le sourire plein de promesse de la jeune femme.
Les décors bien conçus permettent des changements à vue d’une grande légèreté. La mise en scène guide subtilement les trois comédiens. Gaëlle Billaut-Danno, Emma en quête, comme toutes les femmes, d’un bonheur inaccessible, a pris tous les risques. Yannick Laurent, Jerry, lui aussi marié et père de deux enfants, dont l’épouse reste en retrait, n’a obtenu que l’accomplissement fugace d’un coup de foudre. François Feroleto fait parfaitement évoluer les états d’âme plus complexes de son personnage. Devenu cynique et indifférent avec le temps, Robert a manipulé les deux amants qui ont poignardé son amour. L’attention portée aux costumes et aux éclairages est une contribution non négligeable à la réussite totale de cette représentation. M-P P. Lucernaire 6e.