LA TOUR DE PISE de Diastème. Mise en scène Karine Dedeurwaerder. Avec Fanny Soler.
Que fait-elle juchée sur un plongeoir, incapable de sauter, tétanisée par le vide ? En imper et talons hauts, elle n’a pas exactement les vêtements appropriés. Telle la célèbre Tour de Pise de nos amis italiens, elle penche mais pour le moment ne tombe pas. Elle soliloque tout en invectivant un interlocuteur invisible, un « Monsieur » qu’elle prend à témoin de son mal-être. Non, elle n’est pas « une méchante fille », elle n’est que lâche, une lâcheté dont elle a hérité, marque de fabrique de sa famille. En fait, elle a seulement peur de toutes les peurs : celle de se jeter à l’eau, d’être ridicule, de lâcher prise et d’aimer, peur de souffrir, peur de la vie en somme. Elle aurait besoin d’une oreille compatissante, de quelqu’un qui lui donnerait des conseils autres que ceux de sa mère. Il l’écouterait lorsqu’elle remémore certains souvenirs tragiques de son enfance et cette rencontre qui a illuminé ses seize ans à Rimini - Italie, cette liaison-là avec l’amour de sa vie dont l’épilogue la laisse désespérée. Et ce n’est pas cette musique d’ascenseur chantant les 50.000 larmes versées sur un amour mort qui va l’apaiser.
D’une pièce à l’autre, Diastème explore le sentiment le plus exaltant mais aussi le plus destructeur, celui d’aimer passionnément, ce brasier qui brûle trop souvent les ailes des jeunes gens.
La mise en scène est audacieuse. Dans le clair-obscur du plateau, au rythme de la musique, Fanny Soler défie les lois de la gravité sous nos yeux inquiets. Pour incarner cette jeune femme éperdue à l’idée de « devoir souffrir encore », elle parcourt la mince planche du plongeoir, s’accroupit, s’assoit, s’allonge, se dévêt, fouille dans son sac, se maquille. Une performance.
« Dans tomber amoureux, il y a le mot tomber ». Alors elle se penche, au risque de tomber. Cédera-telle à l’appel du vide ? À vous de voir… M-P P. La Manufacture des Abbesses 18e.