TEMPÊTE EN JUIN

Article publié dans la Lettre n°486 du 25 septembre 2019


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TEMPÊTE EN JUIN d’après Irène Némirovsky. Adaptation et mise en scène Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Avec Franck Desmedt.
3 juin 1940, les Allemands sont tout proches, Paris s’affole. « Hier, pour la première fois, des bombes sont tombées sur Paris ». Ainsi commence le récit de l’exode des citadins vers les diverses campagnes dont ils espèrent un accueil favorable. Dans un chaos indescriptible, l’errance s’organise, ou plutôt se désorganise au gré des biens à transporter dans l’exil, au hasard des moyens de locomotion disponibles et pris d’assaut. Occasion d’un immense choc des cultures sociales, des appétits voraces, d’une panique qui les saisit tous, révélatrice de la véritable nature humaine dès lors que le vernis a volé en éclats.
Il y a le grand-père Péricand et son imprévisible chat, cet aïeul dont on guette les millions, mais qu’on oubliera sans vergogne au détour d’une halte. Le mari argue d’une contrainte professionnelle pour rejoindre sa maîtresse, l’épouse dévote rassemble autour d’elle sa nichée et prend en main l’organisation de la fuite, le fils aîné prêtre convoie les jeunes orphelins, plaisamment nommés « Petits Repentis du XVIe », vauriens que le scrupule moral n’étouffe guère, le cadet rêve de sacrifice héroïque. L’écrivain, Gabriel Corte, pétri de vanité, caresse sa Florence énamourée et ses lévriers d’une main également distraite. On voyage en limousines avec chauffeur, tant que l’essence ne fait pas défaut. On déborde de piété et de charité chrétienne, tant que les ressources ne viennent pas à manquer...
Sur l’autre versant social, il y a les petits et sans grade, tels les Michaud auxquels il ne reste que leurs pieds pour marcher sur les routes bondées.
Les convois sont mitraillés, les trains explosent, les victimes jonchent le passage. Les fils, pas tous d’ailleurs, échappent à la mort, goûtent aux amours rurales inavouées et sans lendemain.
Franck Desmedt donne à voir, avec un réalisme saisissant et un humour non moins ravageur, cette noria de plusieurs dizaines de personnages, tous typés dans la diversité de chacun.
La fresque se déroule comme une crise d’asthme géant avant le retour à une autre normalité... Et la pluie de printemps vient noyer les pleurs du regret.
Une chaise, une valise, un manteau. La virtuosité de l’interprète est éblouissante, les timbres de voix s’entrelacent sans que le tempo ne fléchisse. Et on se laisse emporter avec bonheur dans la truculence joyeusement assassine d’une comédie humaine sans concession.
À voir sans tarder. A.D. Théâtre La Bruyère 9e.


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