LA TEMPÊTE de William Shakespeare. Mise en scène Robert Carsen avec Thierry Hancisse, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, Christophe Montenez et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française.
Considérée comme la dernière des plus de trente-cinq pièces écrites par Shakespeare seul, La Tempête a été jouée pour la première fois devant la cour en 1611, cinq ans avant la mort de son auteur. Pièce inclassable dans son œuvre, elle est considérée comme son testament artistique et, en l’absence de toute indication sur ses intentions, elle permet aux metteurs en scène de multiples interprétations.
L’histoire est relativement simple, du moins pour une pièce de Shakespeare. Prospero, duc de Milan, a été destitué il y a douze ans par son frère Antonio avec l’aide d’Alonso, roi de Naples. Jeté dans une barque avec Miranda, sa jeune enfant, ils ont échoué tous deux dans une île inhabitée. La pièce décrit l’instant où Antonio, l’usurpateur, revenant de Tunis où il est allé marier sa fille, passe aux abords de l’île en compagnie de sa cour ainsi que d’Alonso, de son frère Sebastian, et de Ferdinand, son fils, prince de Naples.
C’est le moment que choisit Prospero, aidé par Ariel, esprit des airs, pour provoquer une tempête qui précipite les passagers en les dispersant en trois endroits différents sur l’île, chaque groupe pensant que les autres ont péri. Sur le premier nous avons Ferdinand à qui Prospero fait rencontrer Miranda. Les deux jeunes gens tombent immédiatement amoureux l’un de l’autre. Sur le deuxième nous avons tous les nobles personnages. Là c’est Antonio qui incite Sebastian à s’emparer de la couronne de Naples en assassinant son frère. Enfin le troisième groupe est constitué de deux ivrognes au service d’Alonso, auxquels Prospero envoie Caliban, un sauvage asservi par Prospero et qui se croit le vrai possesseur de l’île. Tous les trois fomentent le projet d’assassiner Prospero, projet qui échoue. Prospero tient alors tout le monde en son pouvoir. Sa vengeance pourra s’exercer contre tous ses ennemis, enfin à sa merci.
La pièce se déroule au moins en quatre lieux distincts mais Robert Carsen et son scénographe Radu Boruzecsu ont préféré un lieu unique, une vaste cellule qui ressemble à une salle d’hôpital au début de la pièce, avec ces immenses murs blancs et ce lit à barrière où est couché Prospero. Mais ce décor permet aussi des projections vidéo, brillamment réalisées par Will Duke, qui évoquent tour à tour la tempête, la plage ou la trahison dont a été victime Prospero. Ces murs permettent aussi de projeter les ombres gigantesques des personnages, à la manière du cinéma expressionniste allemand, créant des effets saisissants de mise en scène. Bien sûr Robert Carsen ne se prive pas de recourir aussi à des accessoires, et pas des moindres puisque, subitement, toute la scène est recouverte d’énormes pierres !
Aussi limpide qu’elle soit, cette mise en scène ne nous explique pas comment l’ex duc de Milan peut avoir à son service un esprit des airs, indispensable pour donner corps à sa vengeance ! Il est difficile de croire qu’il suffit de livres de magie pour y parvenir. Si cette pièce a un fond politique très intéressant, cette présence bien commode d’un être surnaturel, que Prospero aurait sauvé pour le mettre à son service, la rapproche beaucoup plus d’un conte. Qu’importe, nous sommes subjugués par ce spectacle et par l’interprétation des comédiens et en premier lieu par celle de Michel Vuillermoz qui, dans le rôle de Prospero, déclame le plus long monologue de Shakespeare, à peine interrompu quelquefois par Miranda, pour lui raconter leur histoire. Une pièce à ne pas manquer. R.P. Comédie-Française 1er.