LE TARTUFFE OU L’HYPOCRITE

Article publié dans la Lettre n°540 du 2 février 2022


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

LE TARTUFFE OU L’HYPOCRITE de Molière. Mise en scène Ivo van Hove. Scénographie et lumières Jan Versweyveld. Musique originale Alexandre Desplat. Avec Claude Mathieu, Denis Podalydès, Loïc Corbery, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Julien Frison, Marina Hands, et les servants Vianney, Arcel, Robin Azéma, Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan.
Trouvé, tel un S.D.F, sur les marches d’une église, voici le Tartuffe invité à entrer dans la maison bourgeoise d’Orgon, débarrassé une à une de ses guenilles par des mains affairées, baigné comme il se doit, puis habillé de neuf.
Le ton de la pièce est donné avec ce cérémonial scéniquement original, un ton qui se poursuit durant les trois actes. Cinq actes ? Non. Avec la complicité d’Isabelle Grellet, professeure de français au lycée Montaigne, Ivan van Hove met en scène la version interdite en trois actes de 1664, restituée par Georges Forestier, biographe de Molière. Exit le 2e acte avec Mariane et Valère et, excepté l’indispensable scène III, exit le fastidieux 5e acte, rajouté par Molière pour échapper à la censure.
Cette version donne un regard neuf sur la pièce, aussi moderne que les costumes. Les lumières foudroient le grand plateau nu et sombre, juste équipé d’une galerie desservie par un escalier au centre. Les comédiens évoluent au rythme de la musique qui accompagne de bout en bout les péripéties de son tempo lancinant.  Acariâtre à souhait, Claude Mathieu, Madame Pernelle, aussi coiffée du nouveau venu que son fils Orgon, houspille bru et frère de celle-ci, avant de quitter les lieux, drapée dans sa dignité. Denis Podalydès, irrésistible Orgon, passe avec une formidable aisance de l’hôte mi-attendri, mi-excité, toqué de son protégé, au père furieux qui chasse et déshérite son fils, frappé du déni puis de la stupeur de voir la réalité en face. Une fascination qu’instrumentalise son protégé, Christophe Montenez, parfait Tartuffe faussement humble, hypocrite à souhait, puis triomphant, mais surtout jeune et assez beau pour déconcerter une Elmire troublante et troublée, excellente Marina Hands, sensuelle à damner un saint. Le jeu pervers qu’ils mènent tous les deux, de celui qui presse mais ne force pas et de celle qui voudrait peut-être mais ne consent pas, est saisissant. Loïc Corbery, Cléante raide dans ses chaussures, tâche sans succès d’intercéder en faveur de Damis. Ce fils désespéré, émouvant Julien Frison, est, lui, pétrifié par le sort que lui réserve son père, soutenu par une Dorine fine mouche qui illumine les dialogues de sa faconde pleine de bon sens, merveilleuse Dominique Blanc. Si les commentaires en vidéo peuvent paraître superfétatoires, le final inédit clôt triomphalement une création qui fera date. M-P P. Comédie-Française Richelieu 1er.

Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Accès à la page d'accueil de Spectacles Sélection