TANT QU’IL Y AURA DES COQUELICOTS … Texte et mise en scène Cliff Paillé. Avec Cliff Paillé, Pauline Phelix.
Confortablement installé, Paul rechigne à s’extraire de « La Petite Fille de Monsieur Linh », impénitent lecteur qu’il est devenu, absorbé, déjà, par les premières lignes du très beau roman de Philippe Claudel. Et, pourtant, il n’aurait jamais dû goûter à ce plaisir-là.
Enfant, il détestait lire malgré les incitations de sa grand-mère, même s’il aimait l’écouter lorsqu’elle lui faisait partager certains passages de ses lectures. Le ballon de foot restait sa seule passion, jusqu’au jour où parut, dans sa vie d’écolier de dix ans, une maîtresse pour le moins atypique. Mademoiselle Mansart jaugea vite une classe réfractaire à la lecture et fit preuve de patience et, surtout, d’une imagination débordante. « La Gloire de mon père », le premier cobaye, reçut un accueil très tiède mais elle ne désarma pas. Avec force jeux et devinettes, elle fit découvrir à sa classe tout ce qui fait l’ivresse de se glisser dans les méandres d’un roman de Pagnol, d’un poème d’Aragon ou des paroles d’une chanson de Barbara. Et l’enfant solitaire, sevré de l’affection familiale, se prit au jeu. Il découvrit l’étonnante profusion des synonymes, le sens caché des phrases, la beauté d’une description et la source intarissable de l’imaginaire. À la fin de l’année scolaire, allongé sur le sol, Paul reposait sa tête sur son inséparable ballon mais tenait un livre ouvert entre les mains…
La nostalgie d’une enfance si particulière est le moteur de cette évocation poétique, très bien interprétée et mise en scène, à laquelle assiste un public de tous âges, touché par l’histoire de cette initiation à la lecture, invitation à la connaissance et à la culture, porte ouverte à l’imaginaire, remède à la solitude.
Tout lecteur, invétéré ou en herbe, en phase avec Cliff Paillé et Pauline Phelix, sort comblé par ce bel hommage à la lecture et à tous les auteurs. M-P.P. Théâtre de l’Essaïon 4e.