TACHKENT de Rémi De Vos. Mise en scène Dan Jemmett. Avec Hervé Pierre, Clotilde Mollet, Grégoire Œtermann, Valérie Crouzet.
Assis sur une chaise, un auteur dramatique complétement hermétique au monde qui l’entoure, se manifeste de brefs instants pour couvrir d’invectives tous les metteurs en scène qui ont monté ses pièces. Il n’a pas de mots assez durs pour leur assener tout le mal qu’il pense d’eux. Entre deux diatribes, il reste prostré et garde un mutisme qui inquiète sa maîtresse, toiletteuse pour chiens de son état, en ménage avec lui depuis deux ans. Ce n’est pas tant le comportement de son amant qui la préoccupe, mais le souhait de l’épouser avant qu’il ne disparaisse, afin de toucher ses droits d’auteur. Elle se résout à appeler à l’aide son ex-compagne, comédienne sur le retour, et un ami comédien. Selon leur vécu auprès de l’auteur, ils vont déployer maints stratagèmes pour le sortir de sa léthargie.
Mettre en scène une pièce qui voue aux gémonies tout metteur en scène n’est-il pas périlleux ? L’opinion de Rémi De Vos sur cette profession nous est inconnue mais il faut avouer que Dan Jemmett assure le job avec une imagination débordante ! Dans un décor noir et glacial comme la mort, les trois intéressés vont et viennent face à l’auteur hiératique. Ils gesticulent, discutent et se disputent jusqu’à en venir aux mains dans un ballet réglé avec une précision clinique. Grégoire Œtermann est hilarant dans le rôle de l’ami dont l’empressement va crescendo. Avec le plus grand naturel, Valérie Crouzet, la maîtresse, veille à l’entretien d’un compagnon qui ne tient pas ses promesses, inquiète de la teneur des visites de l’ex. Dans ce rôle, Clotilde Mollet balance avec finesse entre tendresse et rancune. Vingt ans de vie commune avec cet homme-là sont autant de souvenirs. L’évocation répétée des auteurs dramatiques russes et de leurs personnages qui les avaient liés autrefois, sont comme d’inénarrables instants de lucidité, à la grande joie d’un public ébahi. Hervé Pierre, fabuleux, déploie une palette infinie d’attitudes entre la prostration, où seuls les traits du visage jouent leur partie, et les moments où il déblatère, déchaîné. Entre comédie et drame, on s’interroge jusqu’à l’épilogue. Excellent. M-P P. Studio Marigny Carré Marigny 8e.