SUR LES CENDRES EN AVANT. Texte, musique et mise en scène de Pierre Notte avec Juliette Coulon, Blanche Leleu, Charlotte Marquardt, Elsa Rozenknop. Piano Donia Berriri. Avec la voix de Nicole Croisille.
Après le couplet chanté a cappella par l’ouvreuse soucieuse de savoir les portables éteints, la voix off de Nicole Croisille décrit très précisément le décor, tout en invitant le public à imaginer ce qu’il ne voit pas… par manque de moyens ! Au premier plan, deux espaces séparés par ce qui reste d’une cloison, c’est-à-dire rien ou presque. Les deux appartements ne font plus qu’un. Rivée à une chaise que le feu n’a pas complétement léchée, Mademoiselle Rose voit sa vie réduite en cendres. Elle a dorénavant une vue imprenable sur la « petite cuisine Ikéa mais solide » de sa voisine Macha. Celle-ci mène une existence guère plus reluisante. Elle se prostitue pour assurer le pain quotidien de sa sœur, la rebelle Nina, lycéenne en perdition mais la tête dans les étoiles. Fana de claquettes, elle aurait pour ambition de se produire à Broadway si dame nature l’avait dotée de jambes plus fines. Elle tente d’y remédier.
Rose et Macha discutent, se disputent et en viennent aux mains quand survient une dame, armée d’un fusil, ou plutôt, d’une carabine vengeresse. Elle n’est autre que la femme de l’homme qui « monte » chez Macha, grevant ainsi le budget de la petite famille. Cette irruption perturbe le trio initial. On maîtrise la tueuse en herbe, on s’explique autour d’un café. Défilent alors les rêves de l’adolescente, ceux inassouvis de sa sœur qui voudrait le meilleur pour elle, le désespoir de la « dame armée » et le récit du destin peu enviable de la pyromane. Seule, chacune a la sensation d’avoir tout raté, tout perdu. Ensemble, il leur reste la volonté de s’en sortir. L’heure est venue de s’accepter afin de construire l’avenir ensemble. Elles décident de marcher sur les cendres en avant, s’affranchissant ainsi du mâle dominant. « C’en est fini du père de l’homme providentiel des patriarches droits des sauveurs des tuteurs soyons nos modèles nos mentors… et nous allons danser chanter … et notre air de famille sera l’air du bonheur ! »
Sur les cendres en avant est une pièce de théâtre aux dialogues intégralement chantés, concoctée par un auteur, metteur en scène, musicien, et peut-être même décorateur toujours aussi inspiré. L’humour décalé légendaire de Pierre Notte, empreint de poésie, cisèle les mots doux amers mis sur le quotidien ordinaire, de gens très ordinaires.
Un soupçon de Jacques Demy et Michel Legrand, un clin d’œil à Stanley Donen, Gene Kelly et Nacio Herb Brown, et les très jolies voix mélodieuses de Juliette Coulon, Blanche Leleu, Charlotte Marquardt et Elsa Rozenknop s’élèvent et se répondent, accompagnées au piano par Donia Berriri qui enchaîne seule, de dos et sans partition toutes les mélodies aux rythmes variés, suivant les péripéties de l’intrigue.
« … et notre air de famille sera l’air du bonheur ! ». Un bonheur que partage amplement un public conquis. M-P.P. Théâtre du Rond-Point 8e.
