SUITE FRANÇAISE

Article publié dans la Lettre n°486 du 25 septembre 2019


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SUITE FRANÇAISE d’après Irène Némirovsky. Adaptation et mise en scène Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Avec Florence Pernel, Béatrice Agenin, Guilaine Londez, Samuel Glaumé, Emmanuelle Bougerol, Cédric Revollon ou Gaétan Borg.
Une salle de séjour à l’atmosphère lardée d’agressivité. Madame Angellier y réfugie sa tenue de grand deuil et compte les objets domestiques dont l’occupation allemande la contraint à laisser la jouissance à l’ennemi. Sa belle-fille Lucile, qu’elle déteste manifestement, subit son acrimonie, tandis que la jeune bonne apporte la tonalité joyeuse de son bon sens. Le prisonnier de guerre, Gaston, le fils de l’une et le mari de l’autre, trône en bonne place par son portrait. L’arrivée du séduisant lieutenant allemand fait exploser les vérités et les non-dits d’une famille sans chaleur, la mère asphyxiante, le fils volage, la bru jeune et frustrée qui résiste avec de moins en moins de conviction aux avances sincères de l’hôte non désiré, cultivé et prévenant. Car Lucile n’a trouvé dans un mariage de convenance et sans amour que déception et stérilité, la cohabitation forcée avec sa belle-mère lui est insupportable, la piété bigote ne comble pas les désirs de sa jeunesse et le patriotisme a fort à faire de résister au charme du bel ennemi. Ces jeux d’amour et de hasard se nouent sur le filigrane d’un village où la vicomtesse, épouse du maire, offre le spectacle truculent et turbulent d’une charité de façade. Quand l’un des envahisseurs pousse trop loin la séduction sur Madeleine, la femme du cousin légitimement jaloux, la situation devient explosive et révèle des héroïsmes de résistance au quotidien. Des émotions sincères frémissent dans la virtuosité du piano, la vicomtesse s’agite et virevolte, la jeune bonne tremble pour son cousin traqué, tandis que l’austère et sourcilleuse maîtresse des lieux témoigne alors d’une imprévisible humanité. Les comédiens, efficaces et contrastés, dessinent un paysage sans pathos inutile, dont la sobriété, zébrée des seules couleurs chatoyantes des robes de Lucile, met en évidence les affrontements intimes. Le roman d’Irène Némirovsky y trouve une fidèle et intelligente adaptation. Un très beau moment. A.D. Théâtre La Bruyère 9e.


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