LE SILENCE de Guillaume Poix et Lorraine de Sagazan d’après l’œuvre d’Antonioni. Mise en scène Lorraine de Sagazan. Scénographie Anouk Maugein. Costumes Suzanne Devaux. Lumières Claire Gondrexon. Vidéo Jérémie Bernaert. Avec Julie Sicard, Stéphane Varupenne, Marina Hands, Noam Morgensztern, Baptiste Chabauty et le chien Miki. Avec la voix de Nicole Garcia.
La pièce porte bien son nom. Pas une phrase n’est prononcée. Le dispositif bi-frontal de la salle permet au public de se trouver au plus près du plateau meublé d’une grande table en marbre, de tabourets assortis, d’un canapé, d’un buffet et de multiples objets… Des cartons dûment scotchés jonchent le sol. Quatre protagonistes déambulent sans un mot, de temps en temps distraits par le chien Miki. Un cinquième les rejoint un peu plus tard.
Il ne se passe rien ? Voire ! Il y a des silences qui parlent davantage que les mots et les comédiens ont aussi un corps qui parle pour eux. Des images en noir et blanc projetées évoquent leur monologue intérieur: l’effort étourdissant subi par des courses dans un supermarché, l’alcool comme recours à l’ablation du chagrin, un cours d’italien sur la bande d’un magnétoscope tout à coup actionné et l’évocation d’un voyage en Toscane, un week-end impromptu et tragique en Normandie. Julie Sicard, Stéphane Varupenne, Marina Hands, Noam Morgensztern, Baptiste Chabauty mènent ce ballet silencieux avec précision, exprimant leurs états d’âme par gestes et déambulations.
Nous ? Nous nous rendons «disponibles» comme le souhaitait Antonioni, prêts à deviner leurs pensées et leurs sentiments, jusqu’à la vision émouvante de cette table, telle une tombe fraîchement creusée, recouverte d’une brassée de mimosas dont nous emportons le parfum.
Un spectacle à la parole silencieuse, une gageure que Guillaume Poix, Lorraine de Sagazan, cinq formidables comédiens et le chien Miki réussissent sans conteste. M-P P. Comédie-Française -Théâtre du Vieux-Colombier 6e.