LE RÊVE D’UN HOMME RIDICULE de Fiodor Dostoïevski. Mise en scène Olivier Ythier avec Jean-Paul Sermadiras.
Il se tient là, les yeux pleins de générosité, le sourire attentif. Puis il se met à parler à chacun, comme un sage momentanément revenu de ses propres rêves. Est-il ridicule, selon ce mot qu’il répète avec douceur ? Est-il fou, comme peut l’être un ermite devant le regard étonné, voire méfiant, goguenard ou sarcastique, que portent sur lui les gens ordinaires ?
Et il raconte son presque suicide qu’une enfant a interrompu par sa supplication, la mauvaise conscience d’y être resté sourd, la relation ambiguë qu’il entretient avec ce pistolet tentateur, l’étoile qui lui dit l’indicible. Surtout son insondable solitude peuplée des rêves d’un ailleurs entrevu. Il y a rencontré un monde d’utopique perfection, comme le décrivaient Diderot et les philosophes utopistes. Paix, douceur, pureté, méconnaissance du mal. Est-il venu, par sa seule présence, y instiller la jalousie et la violence, la haine et le meurtre ? Où commencent et finissent le rêve et le cauchemar, la veille et le sommeil ? Quelle leçon tirer de ce cheminement onirique entre fantasme et désir de foi ? Y a-t-il une mystification dont on aurait peine à cerner les contours ?
Sur un plateau presque désert, entre ombre et lumière, entre rêve et conscience, Jean-Paul Sermadiras oscille de l’exaltation à la sérénité des mots de la fin « J’irai, j’irai », comme un prédicateur touché par la grâce. Et son jeu lumineux, comme illuminé de l’intime de soi, parvient à créer une fascination physique et verbale, et une qualité de silence incomparable. Moment étrange, qui nous dérange, qui nous rend étrangers à nous-mêmes, à ce qui nous entoure. Le temps a passé, sans pesanteur, et nous nous ébrouons en portant sur le monde qui trépigne à nos portes un regard modifié, comme purifié. A.D. Théâtre de Poche Montparnasse 6e.