PROUST EN CLAIR, Jacques Mougenot raconte et dit Proust.
Voici Proust, dans le regard admiratif et parfois caustique d’hommes de lettres qui l’ont reconnu comme un des plus grands de son siècle. C’est à Stefan Zweig d’ouvrir un livre d’images que Jacques Mougenot nous convie à feuilleter avec lui. Avec le scalpel si élégant qu’on lui connaît, Zweig décortique cette âme tourmentée dans un corps si souffreteux, les snobismes exacerbés d’un dandy qui voudrait tellement qu’on l’aime, les folles libéralités, la précision du regard qui fouaille jusqu’au détail le plus minutieux et maniaque les spectacles mondains dont il fera la manne de sa plume. Recroquevillé dans sa frilosité incurable, dans ses châles comme dans sa faim insatiable d’écrire, Proust part à la recherche d’un temps qui lui échappe inexorablement. Cocteau, avec sa causticité naturelle, évoque l’ambiguïté de celui qui fut néanmoins son ami. Paul Morand, quant à lui, raconte avec humour sa première rencontre effarée avec ce petit homme singulier.
Jacques Mougenot, le sourire à l’œil comme à la bouche, donne à voir, dans un patchwork très convaincant, les circonstances « atténuantes » qui justifient les comportements de Marcel Proust. Labyrinthe d’un style qui encastre sans reprendre souffle le fourmillement des personnages, des sensations, des sentiments disséqués jusqu’à leur infiniment petite dimension. Sans en épuiser la diversité chatoyante. Et pour illustrer cette langue serpentine, le comédien dit trois textes célèbres tirés du premier livre de la Recherche, la traque du sommeil, le baiser de la mère, la petite madeleine.
Telle est la force de conviction de Jacques Mougenot, la souplesse de sa diction et l’originalité de sa parole offerte comme une conversation à flux tendu et paresseux à la fois, qu’on a l’impression d’entendre ces colliers de mots pour la première fois.
Admirable et chaleureux. A.D. Théâtre de la Huchette 5e.