LA PROMESSE DE L’AUBE de Romain Gary. Adaptation et jeu de Franck Desmedt. Mise en scène de Stéphane Laporte et Dominique Scheer.
Comment vivre et survivre quand on a « été trop aimé »? Étrange paradoxe de cet amour que dispense une mère sur son fils, à la fois structurant et castrateur, qui fait de celles qui tenteront de lui succéder dans le cœur de l'homme à venir, des avatars sans espoir. Romain Gary fut adoré, adulé, aimé jusqu'à l'asphyxie par cette mère extravagante, qui ne vivait que pour lui jusqu'à se priver de l'essentiel et même prolonger au-delà de sa propre disparition sa force incomparable. Toute honte bue, envers et contre l'exaspération quotidienne, il n'aura de cesse de ne pas décevoir l'ambition démesurée qu'elle nourrissait pour lui.
À la prophétie maternelle d'une carrière d'écrivain reconnu, de diplomate, d'engagement dans la dignité résistante, il répondra par une formidable énergie dont elle lui a donné l'exemple.
De la profusion autobiographique de Romain Gary, Franck Desmedt fait le choix, très pertinent, de la fidélité d'un fils à sa mère, par le réalisme tissé d'humour de ses excès amplifiés d'accent russe, par les réminiscences des épisodes qui ont structuré sa vie d'adolescent au seuil des révélations essentielles. Une aube qui lui a ouvert la lumière contrastée de sa vie d'homme.
L'espace scénique matérialise les métaphores de ces deux existences entrelacées, la valise de leurs nomadismes, les parois rouge et or des demeures niçoises, le fauteuil des émois surjoués de la mère et de la piété filiale. Le clair-obscur qui nimbe les premières phases du récit laisse place au halo « testamentaire » de la conclusion douce amère d'une existence en promesse tenue.
L'élégance amusée de Franck Desmedt, ses gestes effleurés qui ne s'appesantissent pas, un humour presque désenchanté, contribuent à une délicatesse fidèle dont on ne se lasse pas. A.D. Théâtre Lucernaire 6e. Reprise au Théâtre de l'Œuvre 9e.