LE PRIX

Article publié dans la Lettre n°609 du 5 février 2025


  Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.

LE PRIX de Cyril Gély. Mise en scène Tristan Petitgirard. Avec Pierre Arditi, Ludmila Michaël, Clara Borras, Emmanuel Gaury.
Le 10 décembre 1946 à Stockholm, Otto Hahn s’apprête à recevoir le prix Nobel de chimie. Installé au Grand Hôtel, il met la dernière main à son discours. Survient Lise Meitner et avec elle leur passé. Elle dit vouloir le revoir et discuter mais elle vient surtout lui demander des comptes.
Lui chimiste, elle physicienne, Otto Hahn et Lise Meitner étaient comme «les deux faces d’une même pièce», travaillant ensemble depuis trente ans jusqu’aux prémices de la découverte de la fission nucléaire. Mais l’histoire était en marche. Être une femme juive et autrichienne en Allemagne en 1938, c’était perdre sa nationalité et la vie. Aussi lorsqu’elle devint le point de mire des nazis, Otto Hahn organisa sa fuite vers la Suède. Seule à Stockholm, Lise dut repartir de zéro. L’obscurité l’absorba quand lui demeurait sous la lumière, rien d’anormal à une époque où les femmes restaient au second plan malgré leur importance dans certaines découvertes. Alors qu’elle est amplement à l’origine de celle-ci, Lise Meitner n’est pas lauréate du prix Nobel aux côtés d’Otto Hahn. Pire, son nom n’apparaît pas dans les articles qu’il a signés seul.
«Cette discussion est nécessaire pour toi et pour moi», juge-t-elle. Le face à face se tend peu à peu. Chacun avance ses pions. «Je t’ai sauvé la vie», «tu t’es débarrassé de moi», sont les premiers arguments qu’ils s’appliquent à défendre. La conversation révèle peu à peu le contexte dramatique dans lequel ils ont vécu, ces trente années de fièvre intense avec, au bout, un exil solitaire pour elle et pour lui la difficulté de vivre et de travailler sous le régime hitlérien. La Seconde Guerre mondiale, puis la défaite, autant d’années périlleuses qu’il a fallu gérer. Enfin, il y a cette lettre, dernier maillon de la chaîne d’une découverte qu’elle lui a apportée sur un plateau. Si les reproches de Lise sont fondés, le tout dernier argument d’Otto, un dernier souvenir mémorable et douloureux, équilibre la balance.
Dans une mise en scène maîtrisée et un beau décor, ce face à face tiré d’un fait réel révèle la difficulté des femmes scientifiques à s’imposer et l’impuissance de ceux qui furent les otages d’un pouvoir mortifère. Otto Hahn et Lise Meitner, deux vies et deux rôles en or que Pierre Arditi et Ludmila Michael interprètent avec une formidable intensité. Passionnant. M-P P. Théâtre Hebertot 17e.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des pièces de théâtre

Accès à la page d'accueil de Spectacles Sélection