LE PETIT COIFFEUR de Jean-Philippe Daguerre. Mise en scène de l’auteur. Avec Felix Beauperin, Arnaud Dupont, Brigitte Faure, Romain Lagarde, Charlotte Matzneff.
Si son cœur ne bat que pour la peinture, la raison a commandé à Pierre de reprendre le métier de son père coiffeur, dénoncé et assassiné durant la guerre. Marie, sa mère résistante, dont l’héroïsme a dépassé les frontières de la ville de Chartres, tient le salon, côté féminin. Jean, l’aîné né simplet, toujours armé du fusil de son père, égaye la maison de ses facéties et de ses pas de danse. À ses heures perdues, Pierre peint des corps de jeunes femmes qui viennent poser chez lui pour un peu d’argent. Ses principes pour la pose sont un peu surprenants mais le résultat est toujours le même : il les représente nues et le visage flou, anonymat indispensable dans une ville où les cancans vont bon train.
C’est la libération et avec elle l’épuration et son lot d’exactions. Ancien résistant et grand redresseur de torts, Léon, la haine aux lèvres, chassent avec hargne tous ceux, hommes ou femmes, qui ont collaboré avec l’occupant. Nombre de dénoncés sont fusillés, les femmes sont tondues. Pierre a la lourde tâche d’officier en tant que coiffeur. L’une d’elles l’émeut particulièrement. Son châtiment fera le tour du monde, immortalisé par une photo du plus célèbre photographe de l’époque, Robert Capa.
Ces règlements de compte sont cependant le fruit de questionnements ce qui décidera de Gaulle à ordonner de cesser cette justice populaire. En ces temps troublés, qui n’a pas dénoncé pour s’approprier les biens d’autrui ou tout simplement par jalousie ? Qui est un résistant de la première heure ? Qui le revendique à la dernière ? Et ces femmes qui pendant quatre ans ont eu le besoin impérieux de bras tendres pour les protéger n’ont-elles pas de circonstances atténuantes ? Marie et Pierre se posent toutes ces questions lorsque Lise Berthier, institutrice en ville, franchit le seuil du logis pour poser. Veuve, son mari, dénoncé, a été fusillé. Avec la bénédiction de Marie, Pierre et Lise tombent amoureux mais l’étau se resserre peu à peu sur la jeune femme. Qui est-elle réellement ?
Après l’incontournable « Adieu Monsieur Haffmann » (Lettre n°448), repris au Théâtre Tristan Bernard, Jean-Philippe Daguerre explore cette période noire des lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. Il met en scène lui-même des personnages attachants dans un décor mobile et astucieux, fluidifiant leurs changements par des morceaux de musique et des pas de danse.
Les comédiens sont formidables. Arnaud Dupont excelle particulièrement dans le rôle d’un Jean simplet mais dont le bon sens illuminera la fin. Quelle femme ne rêverait pas de le suivre dans ses boogie-woogies endiablés ?! Un moment très fort à ne pas manquer. M-P.P. Théâtre Rive Gauche 14e.