LE PERSONNAGE DÉSINCARNÉ. Texte et mise en scène Arnaud Denis avec Marcel Philippot, Audran Cattin et Grégoire Bourbier.
La complexité des relations entre l’auteur et son personnage est un thème récurrent au théâtre. Pirandello en son temps…
Sur la scène, deux personnages figés et muets, dont on n’entendra que quelques bribes de paroles en voix off. Au centre, sortant d’un jeu de miroirs nappé de lumière brumeuse, un personnage titube, comme hébété. Panne de mémoire du texte à jouer ? Du fond de l’obscurité de la salle, une voix l’admoneste, celle de l’auteur, exaspérée et vindicative. Ainsi s’amorce une controverse en zigzags entre le créateur, qui passe par diverses menaces et autres formes d’autorité condescendante voire méprisante, et son personnage hagard qui argue de son désarroi et de son ennui pour refuser de se plier au diktat, d’accepter l’insulte. Tu n’es pas abouti, mon biquet. Au régisseur qui intervient pour prendre la défense du personnage, l’auteur répond vertement, en brandissant les lois immuables du théâtre et le droit imprescriptible et tyrannique du créateur, de ses choix d’intrigue, même au prix du suicide du personnage. Celui-ci prend vie, revendique l’amour et la révolte, accule insidieusement son auteur à inverser les rôles, jusqu’à forcer les confidences sur les souffrances enfouies.
Un suicide était programmé dans le cours des choses. Oui, mais lequel ? Pour de vrai ou pour de faux ? Révolte, rebondissements, émotion s’invitent au programme. Dans ce huis-clos vibrant, les acteurs bousculent le spectateur niché dans son ombre protectrice, par un jeu subtil d’emboîtements qui ne peut laisser indemne. A.D. Théâtre de la Huchette 5e.