PAUVRE BITOS. Le Dîner de têtes
PAUVRE BITOS. Le Dîner de têtes. De Jean Anouilh. Mise en scène Thierry Harcourt. Avec Maxime D’Aboville, Adel Djemai, Francis Lombrail, Adrien Melin, Étienne Ménard, Adina Cartianu ou Clara Huet, Sybille Montagne.
1953 dans une ville de province, Maxime organise un dîner « de têtes » dans un ancien prieuré qu’il a hérité de ses aïeux. Chargé d’histoire, il abrita sous la Terreur un tribunal révolutionnaire. La table est dressée dans la grande salle à manger voûtée, prête à accueillir les convives. L’amphitryon les a priés de se faire la tête d’un acteur emblématique de la révolution française. Il endosse le personnage de Saint-Just. Danton, Mirabeau, Marie-Antoinette, Camille et Lucile Desmoulins sont à l’honneur. Et Robespierre ? C’est l’invité surprise. Leur hôte a invité André Bitos, un substitut du procureur, réputé pour sa rigueur et sa droiture, haï de tous. Lier Robespierre et Bitos est un jeu qui peut tourner au massacre et c’est le but de cette soirée. Les notables ont bien connu Bitos autrefois, l’enfant pauvre admis gratuitement au collège parce que sa mère, blanchisseuse, en lavait le linge. Son unique vengeance aux humiliations subies était d’être le premier de la classe et de remporter tous les prix. Aujourd’hui, bardé de diplômes, il a été l’implacable épurateur de la libération. Au menu du dîner, le petit groupe va se régaler en se vengeant de lui. Le voici qui arrive, en dernier, compassé, vexé d’avoir suivi la consigne d’être déguisé de pied en cap quand les autres n’ont que la tête de leur emploi. La conversation s’engage. Une première insulte et Bitos demande son manteau pour quitter la place mais on le lui a confisqué. La soirée ne fait que commencer…
Cette «pièce grinçante» l’est véritablement, Anouilh se faisant provocateur. Le parallèle entre la révolution française et la période noire de l’épuration d’après-guerre déclencha un scandale lors de sa création, elle était encore trop proche. La mise en scène joue sur les deux périodes avec brio. Mêlant cruauté et cynisme, les acteurs de la révolution s’écharpent. Robespierre les condamne comme Bitos fit condamner les collabos et il en paie le prix fort. Parfait dans ce rôle, Maxime d’Aboville est excellent et les autres comédiens n’ont rien à lui envier. M-P P. Théâtre Hébertot 17e.