PASSEPORT. Création et mise en scène Alexis Michalik. Avec Christopher Bayemi, Patrick Blandin, Jean-Louis Garçon, Kevin Razy, Fayçal Safi, Manda Touré, Ysmahane Yaqini.
Ils ne sont que sept mais ils emplissent tellement la scène qu’on les croirait bien plus nombreux. À eux sept, ils excellent à jouer une bonne trentaine de rôles dans cette jungle de Calais dont le décor se déploie avec force vidéos dans toute son inhospitalité, peuplée de migrants de nationalités diverses, entassés dans des tentes ou des containers, guettant les camions en partance pour la Grande-Bretagne ou longeant la mer en quête d’un passeur. La police agit, les gendarmes la côtoient. Lucas est l’un d’eux. Originaire des Comores, il a été adopté par un couple de français. Il fait la connaissance de Jeanne, une journaliste qu’il décide de présenter à ses parents.
Un soir, une bénévole anglaise porte secours à un jeune homme laissé pour mort et défiguré après un passage à tabac. À son réveil, il constate qu’il a perdu la mémoire. Dans sa poche, un passeport, seule preuve de son identité. De nationalité érythréenne, il se prénomme Issa. « Les misérables n’ont d’autre remède que l’espoir ». Cette citation de Shakespeare, Issa va la reprendre à son compte face au parcours du combattant qui l’attend avec ses deux compagnons d’infortune…
Alexis Michalik a le secret des récits aux mises en scène hors norme. Orchestrée par les excellentes vidéos de Nathalie Cabrol, cette pièce le démontre avec force. État des lieux du sort des migrants, dénonciation de la bureaucratie française, enquête policière, quête de l’identité, conte, « Passeport » déroule tous ces thèmes avec des dialogues percutants (on retiendra celui entre Michel et Jeanne) et des scènes mémorables, celle, entre autres, où Issa, toujours amnésique, « récite » sans ciller au fonctionnaire avec moult détails son périple à travers l’Afrique pour gagner l’Europe !
Tout va très vite jusqu’à l’épilogue inattendu, mais les comédiens relèvent le défi haut la main. L’ovation finale est amplement méritée ! M-P P. Théâtre de la Renaissance 10e.