LE PARADOXE DES JUMEAUX de Jean-Louis Bauer et Elisabeth Bouchaud. Mise en scène Bernadette Le Saché avec Sabine Haudepin, Elisabeth Bouchaud, Karim Kadjar.
Dans son laboratoire, Marie Curie travaille sans relâche. Parce que c’est une immense scientifique, parce qu’elle ne se remet pas de la mort de Pierre, son époux, décédé d’un stupide accident de trottoir. Alors, elle a gommé en elle et sur elle une féminité qui ne demande qu’à éclore sous le regard amoureux de Paul Langevin. Leur timidité mutuelle a beau jeu de se réfugier dans des joutes scientifiques, les cerveaux s’échauffent dans le plaisir des métaphores de jumeaux qui vieillissent différemment, les cœurs s’enflamment dans la fusion des corps sans réticence enfin. Néanmoins, combien il est difficile d’être femme, étrangère et, de surcroît, un génie scientifique, dans le paysage misogyne et anti-dreyfusard de l’époque. La presse à scandales se déchaîne et le vaudeville si banal, avec ses jalousies et ses calomnies, anéantira le couple illicite, Langevin fera un nouvel enfant à sa légitime, la scientifique fera taire définitivement la femme en elle, pour la plus grande gloire du Nobel et de la science universelle. De ces émois et atermoiements de la fragilité amoureuse, Bronia, la sœur médecin, est témoin, un peu jalouse, pas complice. Langevin serait attendrissant, dans son enthousiasme primesautier, si la coutumière veulerie du qu’en-dira-t-on ne l’emportait finalement. Marie, quant à elle, est émouvante dans sa dignité blessée et sa féminité désormais cautérisée.
Quand la science montre qu’elle n’est pas le produit de la seule raison…
Un joli interstice d’humanité. A.D. Théâtre de la Reine Blanche 18e.