LES OUBLIÉS
(Alger - Paris)

Article publié dans la Lettre n° 472
du 6 février 2019


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LES OUBLIÉS (Alger - Paris). Texte et mise en scène Julie Bertin et Jade Herbulot - Le Birgit Ensemble. Scénographie Alice Duchange. Avec Sylvia Bergé, Éric Génovèse, Bruno Raffaelli, Jérôme Pouly, Serge Bagdassarian, Nâzim Boudjenah, Danièle Lebrun, Elliot Jenicot, Pauline Clément.
2019. Un petit comité se réunit dans la salle des mariages de la mairie. Judith Benhaïm, Maire du 18e arrondissement de Paris, a confié la logistique de la cérémonie à Antoine Meursault, responsable de l’intendance et à Gérard Colin, technicien des lieux. Madame la maire marie Karim Bakri, fils d’une mère française et d’un père algérien et Alice Legendre de parents français divorcés. Sa mère vit à l’étranger et son père, Maurice, est viticulteur dans le midi. À la mort de son frère et de sa belle - sœur, Maurice a recueilli Paul, son neveu, témoin de Judith. Guy Cassar, témoin du marié, a été le professeur de droit constitutionnel de Karim et de Judith à l’Université.
Judith salue la diversité sociale, religieuse et culturelle qui les rassemble. Au cours de la soirée, pendant que les techniciens luttent contre une fuite d’eau, les liens qui unissent les convives à l’Algérie se révèlent. On apprend que Maurice est issu d’une famille de « pieds - noirs » et que les parents de Judith, français de confession juive, ont dû, eux aussi, quitter l’Algérie après y avoir vécu depuis des générations. Pour ces français d’Algérie, ce fut la valise ou le cercueil. Le conflit refait surface avec ses drames et ses secrets.
Une mise en scène bi-frontale très sophistiquée joue sur deux époques. La fiction d’aujourd’hui se mêle à celle de la réalité historique des années 58 à 61. Elles marquent, après l’appel de René Coty à Charles de Gaulle, le retour du général au pouvoir, la naissance de la Ve République puis, suite à la promulgation de l’article 16, l’avènement d’un pouvoir exécutif fort, essentiel pour traiter le problème de l’Algérie. À Matignon comme à l’Élysée, les dissensions sont nombreuses. Le fameux « Je vous ai compris » interroge. Le général de Gaulle et son directeur de cabinet l’expliquent à Michel Debré, alors premier ministre, Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement en Algérie et le général Challe qui remplace le général Salan comme commandant en chef…
Le Putsch manqué des généraux Challe, Zeller, Jouhaud et Salan en avril 61 qui s’opposent à la politique d’autodétermination algérienne de la France, n’arrête pas l’Organisation Armée Secrète qui mène des opérations contre le F.L.N, en soutien à la population française établie en Algérie et aux harkis, algériens fidèles à la France.
Après la manifestation algérienne à Paris en octobre 61 et sa répression meurtrière, les accords d’Évian en mars 1962 mettront fin à sept années d’une guerre épouvantable mais certainement pas à l’oubli. Les amnisties successives n’y feront rien.
Les retours en arrière sont accompagnés d’images et d’archives sonores indispensables aux comédiens qui interprètent, pour la plupart, des rôles sur les deux époques. Le repas de mariage est particulièrement parlant. Il rappelle, à ceux qui ont connu cette époque, les réunions familiales houleuses des années 60.
Julie Bertin et Jade Herbulot ne portent aucun jugement. Par le truchement d’une fiction, elles proposent une étude didactique précise d’un pan de notre histoire, longtemps recouvert d’une chape de plomb et grand absent des manuels scolaires dont la mémoire est encore aujourd’hui fracturée par les divergences d’opinions. M-P.P. Comédie-Française. Théâtre du Vieux-Colombier 6e.


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