OTHELLO

Article publié dans la Lettre n° 368
du 5 mai 2014


OTHELLO de William Shakespeare. Texte français Norman Chaurette. Mise en scène Léonie Simaga avec Alain Lenglet, Céline Samie, Jérôme Pouly, Laurent Natrella, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Bakary Sangaré, Nâzim Boudjenah, Noam Morgensztern, Pauline Méreuze.
Bourricot, métèque lubrique, étranger, vagabond, apatride. C’est ainsi que la société vénitienne considère Othello, ce maure, fils de roi, esclave durant des années, puis racheté, aujourd’hui général au faîte de sa gloire. Son crime : avoir épousé en secret la belle et fortunée Desdémone, après l’avoir « ensorcelée » grâce au récit de sa vie tourmentée : « Elle aurait voulu être homme pour vivre cela ». Leur union fait scandale : « Si nous tolérons de tels actes, bientôt les esclaves et les mécréants seront nos maîtres ! ». Imaginer cette amoureuse à la peau claire se lovant dans les bras « couleur charbon » de son héros, voir qu’elle a donné son nom et sa fortune à cet « immonde voleur », le père de Desdémone ne comprend pas et ne s’en remettra pas. Roderigo, amoureux éconduit, non plus, pas plus que Iago, l’aide de camp d’Othello qui le hait, le soupçonnant d’avoir regardé sa femme d’un peu trop près. Ensemble, Roderigo et Iago fomentent une vengeance au moment où la République de Venise entre en guerre contre les turcs prêts à prendre Chypre. Othello est tout désigné pour prendre le commandement de la flotte partant combattre mais, contre toute attente, il fait Cassio lieutenant à la place de Iago qui, furieux, briguait la nomination. Tous s’embarquent pour Chypre y compris Desdémone et sa suivante Emilia, la propre femme de Iago. La haine de ce dernier n’a plus de limites. Attiser la jalousie d’Othello et la focaliser sur Cassio est le dessein qu’il nourrit. Il entraîne sans mal dans ce complot le faible et vengeur Roderigo et compte sur une faiblesse de Desdémone : « Si elle était angélique, elle ne serait pas avec un nègre ». Othello mord à l’hameçon : « apporte-moi la preuve que celle que j’aime est une putain ». Le texte français traduit au plus près les principaux thèmes de cette tragédie, un racisme omniprésent et une fulgurante démonstration des faiblesses des hommes, orgueil, soif d’honneurs, lâcheté, inconséquence et bêtise, face à l’impuissance des femmes à ruser et à se défendre.
Toute la force de la pièce est là, grâce à l’intelligente vision qu’en apporte Léonie Simaga. La mise en scène est vive, efficace, sans temps morts. Les décors, habilement agencés, suggèrent parfaitement les ruelles étroites de Venise, le cabinet exigu du doge, éclairé aux chandelles, puis la forteresse à Chypre, bastion battu par la houle, sombre sous la lueur blafarde de la lune. Les lumières s’y projettent, usant des effets magiques du clair-obscur, dignes de tableaux d’époque. Les costumes apportent l’indispensable touche à ce travail ciselé, revêtus en fonction de leurs couleurs et selon le statut des personnages, la robe rouge de Bianca, la prostituée, étant particulièrement évocatrice. Le choix de la distribution est parfait. Celui de Bakary Sangaré, Othello à la peau d’ébène, et d’Elsa Lepoivre, blonde Desdémone, permet encore aux lumières de jouer sur les contrastes. L’interprétation est elle aussi sans faille. Théâtre du Vieux-Colombier 6e. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici


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