ONCLE VANIA d’Anton Tchékhov. Mise en scène Philippe Nicaud avec Philippe Nicaud, Céline Spang, Fabrice Merlo, Marie Hasse, Bernard Starck.
Le morne ennui de la campagne russe, dans l’entre-deux du jour qui n’en finit pas et de la nuit sans sommeil. Sérébriakov, intellectuel frelaté à la retraite, et sa jeune épouse Eléna sont venus apporter paresse et rêves pernicieux dans l’univers laborieux qu’avaient patiemment entretenu jusqu’alors Vania et sa nièce Sonia, en maintenant à bonne distance une lucidité qui les aurait rongés.
Tels des phalènes autour de cette beauté miraculeuse qu’est Eléna, Vania et Astrov, le médecin misanthrope et désabusé, travaillent de moins en moins, boivent de plus en plus et Sonia ne peut plus s’aveugler sur son amour illusoire pour Astrov. L’égoïsme révoltant du professeur, don Juan aigri et vieillissant, fait voler en éclats ce charme nauséabond et Vania, Astrov et Sonia, enfin désenvoûtés, retournent à leur solitude et à la frustration de leur vie non vécue. Patience, oncle Vania, nous nous reposerons, dit Sonia, après le départ définitif du couple qui a perverti leur équilibre instable. Et la chape retombe sur leur désepérance.
Pour rendre palpable la touffeur d’une fin de saison, de rêve, d’illusions, la mise en scène resserre le texte initial de Tchékhov autour des cinq porteurs de souffrance diverse, autour de la lumière vénéneuse d’Eléna. Comme en embuscade dans l’ombre de sa chambre suggérée, son vieux mari fait pendant en diagonale à Astrov, son atelier de peinture, sa musique. L’autre diagonale oppose l’espace de la boisson délétère à celui de la réalité laborieuse et comptable. Au centre, le lieu des chocs, celui des corps aimantés par le désir, celui des répulsions implicites, celui de la violence inévitable. La douleur est palpable dans les corps et les aveux, seuls le sarcasme et la fausse libération de l’alcool l’allègeraient fugacement. Une remarquable lecture d’une pièce qui n’a pas cessé d’émouvoir depuis tant de décennies. A.D. Théâtre Essaïon 4e..