OH, MAMAN !

Article publié dans la Lettre n°497 du 19 février 2020


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OH, MAMAN ! Texte de Stéphane Guérin. Mise en scène Guillaume Sentou. Avec Alysson Paradis, Garance Bocobza, Mikaël Chirinian, Rudy Milstein.
Leur mère est morte. Tim revient auprès de ses sœurs Gwen et Gwlad et de son frère Tom pour l’enterrement. Écrivain à succès d’un roman autobiographique, Pertes et Profits, largement inspiré des anecdotes de cette fratrie, il y a évoqué son enfance et son adolescence dans le milieu étriqué d’une petite ville de province dont il garde un souvenir douloureux et jamais amendé. Même si ses frère et sœurs lui font grief d’avoir été le chouchou de la mère, Tim est un tendre à vif, en butte à la jalousie et à la stigmatisation à peine larvée que lui valent ses choix de vie. Gwen, l’aînée des sœurs, est la brave fille un peu sotte, vulgaire et ostentatoire, qui se présente en victime du dévouement quotidien à la mère. La cadette, Gwlad l’écorchée, mord faute de pouvoir se reposer des aléas invivables de sa solitude mal accompagnée. Et elles sont toutes deux comme des teignes sur le dos de leur aîné, le citadin hors de leur portée. Tom, le benjamin fragile et lunaire, se réfugie inconsciemment dans une épilepsie qui lui épargne les responsabilités. Ce quatuor si hétéroclite doit réapprendre à vivre ensemble, le temps des obsèques à organiser, des maigres dépouilles à se partager, des conflits larvés à solder. Difficile cohabitation physique, mentale et sentimentale, qui n’apportera aucune délivrance, parce que ni les larmes ni les étreintes compulsives ne sauraient diluer des incompatibilités ataviques. Il ne suffit pas de se savoir frères et sœurs de sang pour survivre à tant d’éloignement de vies.
De ce constat sans chaleur, les dialogues et la mise en scène composent une comédie alerte, pleine de férocité et de dérision. Les répliques fusent sans ralenti, la caricature qui pointerait son nez est muselée par un substrat de tendresse pour ces personnages sans grâce, mais émouvants dans leur fragilité même.
Certaines scènes sont hilarantes, involontairement caustiques, et prouvent combien l’écriture du texte et le jeu des comédiens peuvent rendre parfaitement jouissifs des échanges réalistes, pusillanimes et naïvement sardoniques, dans des lieux de mort, dans des situations de deuil assorties de blessures jamais guéries. Aucun n’est vraiment dupe, mais il faut bien faire comme si… Et le sarcasme ne cherche pas à voiler la douleur vraie d’un fils et l’espoir minuscule, mais tenace, de retrouvailles enfin permises.
Le décor, très minimaliste, dessine à la fois le chaos par les blocs géométriques et combinables qui autorisent le confort précaire des sièges et suggèrent les objets de la mort, tout en permettant la transparence par des toiles tendues sur lesquelles se projettent les couleurs et les formes des lieux alternativement occupés.
Les quatre comédiens impriment un rythme efficace et contrasté à la mesure de leurs personnages disparates.
C’est corrosif, mais si vivant que chacun pourrait s’y reconnaître. A.D. Théâtre La Scène Parisienne 9e.


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