NUIT GRAVEMENT AU SALUT de Henri-Frédéric Blanc. Mise en scène Ludovic Laroche. Avec Stéphanie Bassibey, Ludovic Laroche, Pierre-Michel Dudan.
Une table de restaurant chic, deux convives, un maître d’hôtel. Et les appétits se déchaînent, celui de la bonne chère, celui de la chair en émoi, surtout lorsque les enjeux de rivalités sont discordants. Léa a écrit un second roman dont elle espère tirer les bénéfices propres à sauver la vie en danger de son jeune fils, Victor est l’éditeur potentiel qui ne cache pas son désir de tirer un parti charnel du pouvoir qu’il exerce ainsi. Elle est pulpeuse, il est avide sans ambiguïté. Jusqu’où est-elle prête à aller dans la transgression d’une pruderie que sa robe voile à peine ? Quand passera-t-il, quant à lui, à une approche tangible au-delà d’une grivoiserie de plus en plus explicite, que le choix concerté des mets autorise ? L’indignation de Léa, par le détour de la morale de l’écrivain, est-elle réelle ou feinte, face à la goujaterie croissante et au chantage affirmé de Victor ? De gésiers en escargots, de gorge déployée en sexualité débridée, le confort feutré et de plus en plus artificiel du lieu vole en éclats blancs et rouges comme les vins généreusement versés, jusqu’aux desserts en métaphore inversée des succès escomptés. Arbitre intempestif de ces élégances à fleuret moucheté, le maître d’hôtel intervient pour retarder la charge de Victor, l’interrompant par ses sermons quasi théologiques et ses cantates de baryton profond. Le trio des comédiens fonctionne à merveille, on rit sans réticence, tout en mesurant la pertinence d’une réflexion toujours d’actualité sur le prix à payer, à tous les sens, dans les relations sexuées en général et le monde de l’édition en particulier. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.