LE MONTESPAN de Jean Teulé. Adaptation Salomé Villiers. Mise en scène Etienne Launay assisté de Laura Christol avec Salomé Villiers, Simon Larvaron, Michaël Hirsch.
« La noblesse doit cesser de tirer l’épée à tout bout de champ ». C’est donc une affaire de duel qui amène au palais de justice Louis-Henri Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan et Françoise de Rochechouart de Mortemart. Lui représente son frère, elle son futur mari, tous deux jugés par contumace. Le coup de foudre est immédiat. En 1663, un mariage d’amour est une rareté, surtout célébré huit jours après une rencontre. Nobles mais pauvres, ils vivent d’amour et d’eau fraîche. Deux naissances et une déprime post-natale plus tard, l’amour est toujours là, l’eau fraîche beaucoup moins. Dans l’espoir d’être remarqué par le roi, Louis-Henri lève plusieurs fois une troupe pour participer à des guerres qui se soldent par des échecs et des dettes. Au cours d’une soirée, la duchesse de Montausier propose à Françoise de l’introduire à la cour comme dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse d’Autriche. Considérant le danger de se trouver tout près d’un souverain qui a tendance à transformer l’entourage féminin de sa royale épouse en harem, Françoise se laisse tout de même convaincre par Louis-Henri qui, lui, ne voit qu’une opportunité à saisir sans en mesurer un danger qui ne tarde pas à poindre. Françoise-Athénaïs rentre de la Cour de plus en plus tard puis, onze mois plus tard, à son retour d’une autre guerre perdue, c’est une épouse enceinte qui l’accueille. Petite noblesse d’épée contre Roi-Soleil, le combat est perdu d’avance. Mais, contre toute attente, et contrairement aux époux toujours conciliants, le marquis « cocu » entreprend une véritable guerre contre celui qui lui vole son adorée, à la grande joie de la cour qui se moque, et de celle de Molière qui immortalise l’aventure en créant « Amphitryon ».
Pendant que la marquise de Montespan fait la pluie et le beau temps à la cour, le marquis, son époux, n’a de cesse de crier son infortune, multipliant des actes insensés. Mais faire repeindre son carrosse en noir et l’affubler de cornes immenses ce qui nécessite de rehausser le portail de son château, tenter d’attraper des « maladies honteuses » auprès des prostituées pour les transmettre au roi, via son épouse, organiser en grande pompe l’enterrement de son amour avec un cercueil vide, tout ceci n’est pas sans conséquences.
L’adaptation et la mise en scène font merveille dans la tradition des tréteaux. Au fil du récit, Simon Larvaron, conteur et Marquis de Montespan, passe avec talent de la Cour à l’humble logis parisien, des champs de batailles à ses terres de Guyenne et même à la Cour de Charles II d’Espagne, quelques-uns des vingt-et-un lieux que les trois comédiens matérialisent par des objets, des vidéos et des bruitages.
Michaël Hirsch et Salomé Villiers endossent à perdre haleine tous les autres personnages. Lui, tordant en marquis de Montausier, se métamorphose au gré des rôles. Elle, marquise ou cuisinière, incarne une Françoise lumineuse, amoureuse qui effeuille avec bonheur ses trois jupes au soir de ses noces, avant de devenir une Athénaïs, mère des enfants du roi, usant de son pouvoir jusqu’à sa perte. Un spectacle digne d’un Molière. M-P P. Théâtre de la Huchette 6e.