MOI, SOLDAT INCONNU de Gregory Duvall. Mise en scène Philippe Ogouz avec Gregory Duvall, Jean-Claude Robbe, Amala Landré.
Ils sont deux et cela fait des mois qu’ils pataugent dans l’une des tranchées du front. Autour d’eux, le silence plane sur un paysage lunaire, hostile, fait de cratères et d’arbres calcinés. Émile Vidal a soixante-dix ans. Il s’est engagé « parce qu’il fallait ». Il n’a pas revu sa femme et ses enfants depuis deux ans. Le jeune soldat a vingt-six ans et une femme, Marie, qui l’attend et le lui fait savoir d’une lettre à l’autre. Elle raconte ses petites joies et ses gros soucis, sa décision de participer à l’effort de guerre en travaillant à l’usine d’armement. Les « munitionnettes », comme on les surnomme, en fabriquent plus de 2 000 par jour, une fierté !
Dans sa vareuse, Émile porte une lettre contre son cœur pour le cas où… « Je veux que ma femme sache ce que j’ai vécu » dit-il en la confiant au seul soldat encore vivant à ses côtés, ce jeune homme peu aguerri qu’il abreuve de conseils pour rester en vie.
Ce qu’ils ont vécu, ce sont les casques venus trop tard, les masques à gaz défectueux, les chaussures qui prennent l’eau, les rations immangeables et surtout, surtout, l’ordre de tenir coûte que coûte, aboyé par l’intermédiaire de la radio, laissant planer la menace du peloton d’exécution. Mais comment tenir à deux, « pauvres couillons du front » face à une vingtaine, au moins, de soldats allemands mieux armés, mieux équipés, mieux nourris, tandis que le lourd silence laisse tout à coup sa place au crépitement des mitrailleuses assassines ?
Une mise en scène dynamique, des lumières et une bande son remarquables, un décor et des costumes fidèles à la réalité de l’époque flattent le texte et permettent à Gregory Duvall, Jean-Claude Robbe, et à Amala Landré, chanteuse à la voix si harmonieuse, de rendre avec force cet hommage à la Grande Guerre et à ses millions de morts, à ce soldat inconnu qui repose aujourd’hui sous l’Arc de Triomphe. M-P.P. Théâtre Montmartre Galabru 18e.