LE MEMENTO DE JEAN VILAR. Adaptation, scénographie et mise en scène Jean-Claude Idée avec Emmanuel Dechartre.
Le nom de Jean Vilar est intrinsèquement associé à celui du Théâtre National Populaire qu’il a dirigé et fait vivre durant douze ans. Nous imaginons sans peine le travail monumental auquel s’est attaqué le metteur en scène et acteur pour « inventer d’autres rapports avec le public », mettre à la portée de tous l’art majeur du théâtre en France et au-delà de ses frontières. Nous imaginons beaucoup moins les obstacles rencontrés et les sacrifices concédés pour y parvenir.
Le cahier des charges, établi lors de sa prise de fonction en 1951, était une véritable hérésie. Il interdisait à son directeur de recevoir un salaire en tant qu’acteur et de toucher un forfait ou un pourcentage pour ses mises en scène. Comment vivre alors au quotidien ? À cela s’ajoutaient les angoisses de ne pas remplir suffisamment les caisses, l’éventualité de ne pas être reconduit, les aléas des maladies ou des abandons des acteurs et l’incompréhension face aux jalousies et aux critiques.
Comment peut-on mettre en scène tout en jouant s’interrogeait Jean Vilar dans son memento en 1953. Voici deux ans qu’il était à la tête du TNP et cette difficulté le poursuivait. Pourtant, après sa démission en 1963, il continua de mettre en scène et de jouer au Festival d’Avignon qu’il avait créé en 1947 et où il fut hué en 68. Ces deux bonheurs-là le portèrent jusqu’au bout d’une vie trop tôt interrompue à 59 ans.
Des costumes de scène suspendus aux cintres, éclairés par l’ampoule de la servante, sont autant de fantômes de ceux qui auraient pu les revêtir avec lui lors de ses innombrables créations. Les pages du memento défilent sur un écran à mesure de sa lecture par Emmanuel Dechartre. Directeur, metteur en scène et acteur, qui mieux que cet artiste incontournable peut redonner vie à la voix de Jean Vilar et à ses souvenirs consignés qui suscitent l’admiration pour ce qu’il a accompli et l’indignation pour ce qu’il a vécu ?
« Couvrez donc le visage du comédien mort » enjoignait Jean Vilar en 1950 dans De la tradition théâtrale, « Les Secrets ». Certes, mais ne l’oublions pas». M-P.P. Théâtre 14 14e.