MARIE DES POULES, GOUVERNANTE CHEZ GEORGE SAND de Gérard Savoisien. Mise en scène Arnaud Denis. Avec Béatrice Agenin et Arnaud Denis.
Marie est une fillette naïve et délurée à la fois lorsqu’elle est placée au service de George Sand. À la garde des poules, entre autres, d’où ce surnom qui permet de la différencier de Marie la cuisinière. Une vie de domestique qui serait banale et sans histoire, n’étaient son tempérament curieux de tout et la vive intelligence qui la pousse avec bonheur sur les tréteaux de la Dame de Nohant. C’est ce que, des décennies plus tard, elle raconte, attablée à un guéridon de café, face à l’absinthe qu’elle finira par boire. Un récit doux-amer où elle évoque son accent berrichon, sa découverte de la vie domestique en porte-à-faux avec les espoirs que lui laissent entrevoir ses succès de comédienne amateure. Elle raconte ses amours tant épanouies que douloureuses avec le fils de famille, l’ascension sociale que lui permet son apprentissage boulimique de la lecture et de l’écriture. Elle perd son accent, acquiert l’élégance d’un parler châtié, se prend à rêver d’union stable avec le grand et seul amour de sa vie. Mais la réalité sociale du XIXe siècle est cruelle aux rêveurs de mésalliance. Certes, elle finira gouvernante, mais éloignée sans appel des lieux où elle représente un danger pour l’honorabilité de George Sand, une dame si ouverte à la promotion du petit peuple, sauf quand son propre fils est en jeu…
Béatrice Agenin campe avec élégance et brio les diverses phases de cette Marie des poules, jonglant avec une maestria tout à fait convaincante entre les divers âges de Marie, petite fille au patois zézayant, actrice séduisante, jeune femme amoureuse, femme mûre dans le bilan de sa vie.
Face à elle, Maurice - Arnaud Denis donne à voir le fils trop gâté, doué mais velléitaire, jaloux du compagnon de sa mère, séducteur sans vergogne des filles qu’il considère comme sa chair à plaisir, petit à petit pris dans la nasse d’un incontestable amour qui ne veut pas s’avouer, en butte au préjugé social. Mais il est aussi enserré dans les filets de sa veulerie et se laissera aller à l’inconsistance du filet à papillons…
La mise en scène délimite les quatre espaces de l’intime et du public, de la chronologie des amours, illustrée par la maquette du manoir de Nohant, où apparaissent les divers lieux de vie nobiliaire ou domestique, illuminés de l’intérieur, tandis qu’en ombres chinoises saisissantes, se dessine la geste de l’amour interdit.
On se croirait dans un roman de George Sand... Un régal. A.D. Théâtre du Petit Montparnasse 14e.