KING KONG THÉORIE de Virginie Despentes. Adaptation Valérie De Dietrich et Vanessa Larré. Mise en scène Vanessa Larré avec Anne Azoulay, Marie Denarnaud, Valérie De Dietrich.
À l’affiche en 2014, « King Kong Théorie » revit le même phénomène aujourd’hui. Peu de gent masculine mais une salle bourrée à craquer, ruche bourdonnante, avant les trois coups, de femmes et de jeunes filles, venues là pour la plupart en petits groupes. Cet engouement surprenant est dû à l’essai iconoclaste de Virginie Despentes adapté pour la scène avec minutie et perspicacité. Un témoignage interprété par trois comédiennes qui sent l’autobiographie, tant son récit est réaliste.
L’une des trois commence par évoquer le pire : le viol. Elle se veut forte, elle pense surmonter le traumatisme mais celui-ci, au contraire, façonne sa vie. Elle s’en rend compte deux ans plus tard lorsqu’elle écoute le témoignage d’une amie qui, elle, ne surmonte pas. Comment cautériser la blessure ? Le livre d’une auteure américaine lui en donne une réponse : développer la capacité de s’en remettre.
Les trois comédiennes se renvoient les phrases et les mots et détaillent sans complaisance et une belle clairvoyance d’autres sujets brûlants : la prostitution, sorte de thérapie du viol subi, le porno conspué par les hypocrites qui n’assument pas leurs désirs inavouables, la masturbation, la féminité et une intéressante théorie sur King Kong, le film à qui l’essai doit son titre.
Cette pièce est reprise au bon moment, quand les femmes s’élèvent avec force contre le harcèlement sexuel, dénonçant et traînant leurs agresseurs en justice. Née en 1969, Virginie Despentes a reçu l’éducation de cette époque. Elle pose la grande question de la condition de la femme dans notre société et elle revendique. Elle « veut tout comme un homme ». Son pamphlet coup de poing touche sa cible en plein cœur parce qu’il n’est pas écrit par une féministe mais par une femme qui se veut libre et indépendante, qui a décidé « d’inventer » sa vie plutôt que de la subir, débarrassée de l’éducation reçue et très loin des clichés qu’une société phallocrate lui impose depuis toujours.
Un moment très fort s’offre à un public acquis à sa cause, aux rôles puissamment interprétés par trois amazones sur le pied de guerre, dans un cocon fait de lumières vives, de musiques rock, de photos, de vidéos prises sur le vif et de costumes divers et chatoyants. On pense, entre autres, aux célèbres « Monologues du vagin », et à « Et pendant ce temps, Simone Veille », mais puissance 10. Bref, une affaire de femmes ! M-P.P. Théâtre de l’Atelier 18e. Jusqu’au 7 juillet 2018.