JAMAIS, JAMAIS !

Article publié dans la Lettre n° 420
du 27 mars 2017


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JAMAIS, JAMAIS ! D’après Peter Pan et l’œuvre de James Matthew Barrie. Adaptation Jérémie Sonntag, Florian Goetz et Viviane Gay avec Viviane Gay, Florian Goetz, Romain Lalire, Paul Levis et Lisa Sans.
Quel adulte ne s’est pas endormi en rêvant de Peter Pan volant dans les airs, secondé par la Fée Clochette, pour aller délivrer les enfants perdus qu’a raptés le vilain Capitaine Crochet ? Et le terrifiant crocodile et ses dents monstrueuses, qui a avalé le réveil, pour une fois du côté des gentils puisqu’il débarrasse le monde du méchant ? Et la nuit en devient chantante, au matin on se lève la joie au cœur, les yeux encore pleins des étoiles de la tendresse, de Wendy qui ressemble tant à Maman.
Certes, telle est la vision quasi idyllique qu’ont pérennisée les diverses adaptations cinématographiques. Mais, ce serait édulcorer le fonds même de cette histoire d’enfant, une histoire pas si simple, parce que le filigrane en est tissé de nos peurs jamais vraiment apaisées, peur de l’abandon, peur d’être contraint à grandir, peur de perdre l’insouciance pour entrer dans le monde des sonneries de réveils intempestifs, des lits alignés, des casernes entrevues et des orphelinats sinistres. Alors, les dortoirs sans chaleur vont se muer en ring de boxe, les draps se feront voiles pour des équipées de tempête, polochons volages et matelas buissonniers accompagneront la fantaisie débridée des rêves. Le cauchemar affleure sous le rêve. Tandis que la guitare rythme les mélodies de l’envolée, l’œil subreptice et les dents acérées du crocodile envahissent l’obscurité, les lumières voltigent avec fantaisie, le fond de scène s’anime en projection de dérives poétiques et tendres. Et Peter Pan entre en lévitation. « Mais non, c’est un fil », dit une voix d’enfant qui troue le silence fasciné, d’une densité palpable, qui habite le public. Pourquoi se sentir obligé de donner à l’univers onirique des couleurs pastel ? La mise en scène et les cinq acteurs, tous joyeusement chahuteurs, échappent judicieusement à ce piège conformiste. C’est justement parce les ficelles de l’artifice théâtral ne sont pas escamotées et parce que les objets sont quotidiens et dérisoires, que la magie fait son œuvre.
Pourquoi faudrait-il vraiment quitter les rivages de l’enfance pour se croire un adulte réconcilié avec ses terreurs ? Intemporalité du mythe, Peter Pan et autre Robin des Bois enchanteront encore longtemps la douceur chahutée des nuits, pour que les jours soient à leur hauteur. Merci à ce Jamais jamais ! qui se fait « toujours toujours ! » de nous le rappeler si délicieusement. A.D. Théâtre Dunois 13e.


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