INVISIBLES
Article
publié dans la Lettre n° 357
du
23 septembre 2013
INVISIBLES. Texte et mise en scène
Nasser Djemaï avec David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad,
Azize Kabouche, Kader Kada, Lounès Tazaïrt, et la participation
de Chantal Mutel.
C’est l’histoire d’un écartèlement multiple. Parce que sa mère Louise
vient de mourir en lui laissant un coffret magique et des paroles
murmurées, Martin entame sa descente vers l’Hadès des révélations
originelles. Plongé dans le quotidien miséreux d’un foyer de vieux
travailleurs, il y découvre ces chibanis, chaleureux ou hostiles,
taiseux et solidaires. Dans un enfer, hélas vivable. Eternels migrants
entre deux rives de la Méditerranée, ils ont prêté l’oreille aux
sirènes du travail, ils sont condamnés à n’être que les pourvoyeurs
du maigre pactole d’une famille qui entrouvre à peine sa porte pour
les deux mois d’un été de frustrations. Pères sans fils, maris sans
autres femmes que les fantômes qui les hantent. Devant la figure
tutélaire d’El Hadj, ces vieillards déchirés hurlent les terreurs
de leurs enfances meurtries, sombrent dans le mutisme, meublent
dans le jeu un temps aux prises avec l’absurdité administrative,
s’accrochent à une inévitable fraternité, à leur maigre panache…
Ils sont râleurs, prévenants, rieurs, hâbleurs. Si dignes, humains
en somme.
Au long d’une Geste initiatique entre douleur et spectres, Martin
tanguera dans les vertiges, découvrira l’irrémédiable profondeur
des secrets révélés et l’impossibilité des solutions cohérentes.
Jusqu’à se reconstruire au prix du déchirement, de l’intranquillité
définitive, du silence si fécond des pères.
Et la parole d’outre-tombe de Louise suscitera la résurrection silencieuse
de l’amant interdit.
Six hommes en scène, dans l’entremêlement du français et de l’arabe,
donnent à voir leur solitude solidaire, entre rires, indignation
et émotion, tandis que les femmes traversent, fantomatiques, l’écran
du fond de scène.
On ne sort pas indemne de cette parole théâtrale qui, bien mieux
que tout autre discours, bouleverse sobrement les petits conforts
de l’ignorance.
C’est respect, dirait Driss. Théâtre 13 / Jardin 13e.
A.D.
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