L’INTRUSE et LES AVEUGLES de Maurice Maeterlinck. Mise en scène et scénographie Tommy Milliot. Costumes Benjamin Moreau. Lumières Nicolas Marie. Son Vanessa Court. Avec la troupe de la Comédie-Française Alexandre Pavloff, Bakary Sangaré, Gilles David, Claïna Clavaron, Dominique Parent, Thierry Godard et de l’académie de la Comédie-Française Blanche Sottou, Aristeo Tordesillas et Charlotte Clamens.
L’intérieur d’une maison tard le soir. Autour de la table sont réunis l’aïeul, le père, la fille et l’oncle. Ils attendent la visite de la sœur aînée, sœur de charité, et celle du médecin qui a promis de passer. Dans l’une des chambres attenantes, la mère se remet mal d’un accouchement difficile. Dans l’autre, on a placé l’enfant. Depuis sa naissance, il ne profère aucun son et ne bouge pas, « On dirait un enfant de cire ». Le père s’inquiète malgré les paroles apaisantes du médecin, l’oncle se veut rassurant mais l’aïeul aveugle, en alerte, pressent un danger imminent. De par sa cécité, il est le seul « voyant », capable d’interpréter le tremblement des arbres, le silence des rossignols, la crainte des cygnes, l’étonnant mutisme des chiens, le bruit d’une faux dans le jardin, l’entrée du froid dans la salle et cette présence, cette « intruse » qu’il devine, qui n’est autre que la mort qui rode. Une horloge marque l’écoulement du temps. Minuit sonne. Le médecin n’est pas venu. La sœur survient. Toute de noir vêtue, elle se signe, annonciatrice du pire.
Sur une île, au milieu d’une forêt, douze aveugles attendent le retour de leur guide, l’aumônier qui doit les ramener à l’hospice. Inquiets de son absence, ils discutent de la situation dans laquelle ils se trouvent subitement plongés. Puis, eux qui n’avaient jamais eu connaissance des autres, ils découvrent certains événements de leur passé. Les heures passent. Attentifs au moindre son émis sur la terre ou dans le ciel, ils ont de plus en plus froid. Ils finissent par comprendre que leur guide ne reviendra pas. Leurs repères perdus, ils n’osent s’aventurer pour retrouver le chemin du retour. Un chien survient, puis les pleurs d’un enfant sonnent comme le glas.
Tommy Milliot met en scène ces deux pièces de façon magistrale. Construites sur l’attente, l’inquiétude et la prémonition, elles différencient ceux qui voient de ceux toujours dans les ténèbres mais qui « distinguent les grandes clartés ». Portée par les lumières, les costumes et le son, la scénographie crée subtilement l’atmosphère lugubre et sombre, tout en clair-obscur des lieux, l’intérieur spartiate de la maison comme le sol inégal et abrupt sur lequel sont assis les douze aveugles. Dans l’attente, discutant, humant l’air et attentifs aux bruits, les comédiens, Bakary Sangaré en tête, sont impressionnants. Ils font subrepticement monter la tension jusqu’à l’apparition du chien, jusqu’aux pleurs de l’enfant. M-P P. Comédie-Française - Théâtre du Vieux-Colombier 6e.